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Ils sont là, les dormeurs moroses,
Qui toujours furent paresseux,
Mais qui, vivans, fermaient les yeux
Pour mieux sentir l’odeur des roses !

Ils sont là sans leur narghilé,
Sans café qui passe à la ronde…
Le grand oubli, maître du monde,
Leur a pris le désir ailé.

Ils n’ont ni rêves, nĎi chimères,
Regrets ou remords superflus,
Ils ignorent qu’ils ne sont plus
Même des êtres éphémères !

Et ce bienfait tant souhaité,
Ce silence enfin ! ce silence
Où lourd et sombre se balance
Un pavot pourpre et velouté,

Ce silence sans intermède
Qui pour leurs ombres et leurs os
Déroule un tapis de repos,
Aucun ne sait qu’il le possède.

… Mais toujours, un souffle immortel
Anime les pierres disjointes,
Et les cyprès, taillés en pointes,
Ecrivent des vers sur le ciel !


LE PAPILLON


Lorsque, par ces jours purs dont se pare septembre,
Dans quelque bois, doré d’un suprême rayon,
Tu vois, dans l’air plus frais, couleur de rose et d’ambre,
Etinceler le vol d’un dernier papillon,

Il est plus précieux à ton âme attendrie
Que tous les papillons de la chaude saison ;
Il est prince d’automne et de mélancolie,
Comme l’atteste à tous l’émail de son blason