Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Arrête ! la douceur qui passe
Jamais peut-être ne renaît…
Ecoutons dans le tiède espace
Le vol strident du martinet ;

Il tourbillonne, il tourne, il crie,
Et semble tracer dans le soir,
Lorsque la voix du muezzin prie,
Sur le ciel blanc, un verset noir.

Mais déjà tout se meurt dans l’ombre,
Et la lune turque, songeant
Aux morts, allonge sur l’eau sombre
Un lumineux cyprès d’argent.


LA MAISON DE DAMAS


Avez-vous comme moi, ô chère voyageuse,
Marqué dans votre cœur le soir de ce beau jour
Où nous avons rêvé dans la demeure heureuse
Sous les verts orangers qui fleurissaient la cour ?

J’aurais voulu rester dans la maison charmante
Et voir, en m’étirant parmi les coussins chauds,
Quand j’aurais soulevé mes paupières dormantes,
Les plafonds précieux protéger mon repos.

Ma fumée odorante en spirale bleuâtre
Aurait rejoint, au sein du cèdre et du santal,
L’arabesque d’ivoire et les dessins de nacre
Qui font un ciel d’hiver au sage oriental.

Là, sans doute imprégné d’une essence de rose,
Dans cette cour de marbre où luisait un bassin,
Un ravissant vieillard vêtu de satin rose,
Assis sur un divan, lisait le livre saint.

Sous son turban, pareil aux dômes des mosquées
Que la neige ou la lune auraient rendus plus blancs,
Se balançant un peu sur ses jambes croisées,
Il tournait les feuillets avec ses doigts tremblans.