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SOIR DE PRINTEMPS


Bonsoir divin Printemps ! Ah que ton soir est doux !
………..
Comme un petit enfant viens là, sur mes genoux,
Et parfume mon rêve avec tes cheveux pâles.
Tes yeux ont l’azur frais de tes plus bleus pétales ;
Jamais je n’ai senti ton souffle sur un cœur
Rempli d’une plus tendre et plus triste langueur.
Ote, ô cher vagabond, tes sandales errantes !
Reste un peu. Dans mes mains, mets tes mains odorantes ;
Ne reprends pas si tôt ce que tu m’as donné…
Impatient ! tu pars ! Mais je t’ai pardonné !
Oui. Tout. Regrets, tourmens, espoirs, désirs et leurres,
Pour un de tes jours verts, pour une de tes heures
Chaloyantes, qu’emplit un sourd roucoulement.
Je ne t’ai jamais vu si pur et si charmant,
Et pourtant tu n’es plus, ô Printemps, pour mon âme
L’adolescent songeur qui plaît aux jeunes femmes ;
C’est un capricieux enfant que je revois
En toi-même ; et qui sait ? pour la dernière fois
Peut-être… O doux Printemps ! tourne la tête. Écoute.
Si quand tu reviendras, l’an prochain, sur la route,
Je ne suis qu’une morte étendue au tombeau,
Penche sur ma dépouille un front pieux et beau ;
Si le mouvant manteau des herbes embaumées
Recouvre en ondoyant ma forme inanimée,
O Printemps ! fais-moi don d’une suprême fleur :
Sans doute un iris noir, moins sombre que mon cœur.


CELLE QUI PASSE


(Bas-relief du Parthénon)


O toi, qui, près de nous, du fond lointain de l’âge,
T’arrêtes pour croiser les lacets sur ton pied,
Quel peut être ton nom ? Tu n’as plus de visage.

Était-il doux, hautain, calme, tendre, effrayé ?
Nous ne saurons jamais si sa splendeur égale
Ton buste qui se penche, et ton bras replié.