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O chers jours disparus ! du fond de ma mémoire
A votre tour
Venez ! dans votre barque irréellement noire,
O charmans jours !

Vous, dont j’ai vu jadis la grâce tout entière,
Momens divins
Qui ne me montrez plus qu’une forme étrangère,
Des gestes vains ;

Aux eaux douces du songe où longuement s’attarde
Notre langueur,
Fantômes incertains, lorsque je vous regarde
Avec douleur,

Ecartez les linceuls qui me cachent votre âme
Sous tant de plis ;
Car le temps, vieux tisseur, a mêlé dans leur trame
Beaucoup d’oublis.

Souvenirs ! souvenirs ! arrachez tous ces voiles
Longs et nombreux,
Ou ne me montrez plus, décevantes étoiles,
Vos tristes yeux !

Mais, sur l’onde où déjà le charme de cette heure
Est effacé,
La rame qu’on relève, et qui s’égoutte, pleure
L’instant passé.


LES PREMIERS VOYAGES



I


LA ROBE BLEUE


Vous en souvenez-vous, mère au si beau visage,
Ma mère aux bras si blancs, vous en souvenez-vous ?
Lorsque j’avais été trop longtemps triste et sage,
Vous me preniez un peu, le soir, sur vos genoux