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siéger même dans les medjlis (conseils électifs) créés par la « loi des vilayets. » Les évêques, même s’ils avaient réussi à obtenir les bérats d’investiture, étaient entravés de toutes manières dans l’exercice de leur juridiction ; il suffisait souvent qu’une minorité quelconque réclamai la possession des églises pour qu’elles fussent enlevées aux popes bulgares. Les écoles, lorsqu’elles étaient parvenues à s’ouvrir, voyaient, au moindre prétexte, leurs instituteurs arrêtés, molestés ; leurs livres étaient saisis dès qu’une censure, aussi impitoyable que ridicule, croyait y découvrir quelque mot subversif tel que Macédoine, patrie, tyrannie, Arménie, etc. ; en fait tous les livres de littérature ou d’histoire bulgare étaient interdits. Le régime déplorable de la propriété, les exactions des fonctionnaires, les impôts écrasans, les violences des Albanais et des Bachi-Bouzouks, tous les crimes dont la triste répétition forme l’histoire des relations des conquérans turcs avec les « raïas, » ne sont sans doute pas des nouveautés pour les populations chrétiennes de Macédoine ; mais à mesure que l’action éducatrice des écoles et du clergé faisait sentir ses effets, et que les paysans slaves prenaient conscience de leur vie nationale, tous ces maux étaient plus cruellement sentis, plus impatiemment supportés. Comment s’étonner qu’une organisation se soit formée pour préparer l’émancipation définitive des Slaves de Turquie ? En 1902 et 1903, l’insurrection éclata ; les bandes firent leur apparition et la crise qui dure encore s’ouvrit.

On a reproché aux Bulgares d’avoir eu recours au terrorisme ; mais, dans un pareil pays, l’opprimé n’a pas toujours le choix des moyens ; si l’Europe avait assuré l’exécution des réformes promises par elle au Congrès de Berlin, les Bulgares n’auraient pas été réduits à une si cruelle extrémité et bien des malheurs auraient été épargnés à la Macédoine. Sans les violences de 1903, elle attendrait encore la réalisation des promesses de l’Europe. « Sans les bandes, me disait à Uskub un Bulgare, il n’y aurait ni réformes, ni gendarmerie européenne, ni agens civils, ni Hilmi Pacha ; vous-même vous ne seriez pas venu ici ! » Depuis que l’Europe a pris en main la cause des réformes, les Bulgares se sont abstenus de toute action révolutionnaire ; à peine ont-ils répondu aux provocations des bandes grecques et serbes. Leur organisation n’est pas détruite ; mais elle se réserve, elle laisse le champ libre à l’Europe, quitte à reprendre la lutte si las puissances se montraient incapables de mener à bien la