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nombreux : le peuple glaronnais modifiant sa taxation pour surcharger « les millionnaires au nombre de huit ; » une loi vaudoise faisant supporter à 836 contribuables un impôt dont elle dégrève 30 333 autres ; une loi de Bâle-canton surchargeant 586 contribuables entre 9 272, etc. « C’est là, dit l’auteur suisse, que nous voyons le danger de l’impôt progressif qui donne à une classe de citoyens, par le seul fait qu’elle est la plus nombreuse, un moyen de se débarrasser à peu près complètement des charges publiques et de les faire peser presque exclusivement sur les épaules d’autrui. »

Dans les cantons où le taux de l’impôt est exagéré, dit encore M. de Gérenville, les représentans du fisc ne tarissent pas en lamentations et en plaintes sur les fraudes innombrables commises au détriment de l’Etat et sur l’impossibilité où ils se trouvent d’obtenir des déclarations exactes. Et l’auteur cite en exemple : Saint-Gall, le Tessin, Appenzell R. E., Zurich, « où les déclarations sont notoirement inexactes ; personne ne s’en étonne ni ne s’en scandalise en présence du taux actuellement en vigueur. » Les moyens de se soustraire, en partie du moins, à l’impôt progressif sont nombreux, mais incertains. Les immeubles ne peuvent pas échapper aux déclarations ; il en résulte que l’impôt progressif doit les déprécier et détourner de les améliorer. Les immeubles, dit l’auteur suisse, « n’ont qu’un seul moyen de dissimulation, qui ne peut être employé que dans les cantons autorisant la déduction des dettes hypothécaires. Ce moyen auquel ont eu quelquefois recours, dit-on, des contribuables zurichois, consiste à défalquer des dettes, soit fictives, soit déjà remboursées, ce qui est fort dangereux et pas à la portée de tout le monde. » Le moyen le plus efficace de se soustraire à la progression, c’est la fuite ou l’absentéisme. Cet impôt chasse à l’étranger les capitaux et parfois même les personnes. Certains cantons le reconnaissent et font des conventions particulières avec les contribuables pour prévenir leur fuite. On nous permettra de reproduire ici toute une page de l’auteur suisse, M. de Cérenville, patriote ardent, peu enclin à critiquer les institutions de son pays : « Ces fausses déclarations, dit-il, sont généralement faites sous la seule responsabilité du contribuable intéressé ; mais il est certains cas où elles résultent d’une entente formelle ou tacite entre lui et l’autorité qui viole ainsi sciemment la loi. Il est toujours dangereux de frauder l’Etat, à