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impôt relativement à d’autres taxes directes, c’était uniquement par la nécessité de se procurer des ressources et l’impossibilité de les trouver ailleurs.

La vérité, c’est que l’Angleterre n’avait aucun système de taxes directes nationales et, par une circonstance tout à fait particulière que la plupart des hommes réputés compétens ont oubliée, se trouvait dans l’impossibilité absolue d’en établir un. L’Angleterre n’avait et n’a encore aucun impôt sur l’exercice de l’industrie et du commerce, analogue à nos patentes ; en dehors des revenus industriels et commerciaux, la principale richesse dans la première partie du XIXe siècle était la terre, mais précisément le gouvernement anglais ne pouvait et il ne peut encore établir et percevoir un impôt foncier ; cela vient de ce que le gouvernement anglais, sous William Pitt, en 1798, pour pourvoir aux frais de la guerre contre la France, offrit aux propriétaires de racheter leur impôt foncier en en payant dix-neuf ou vingt fois le montant ; l’opération était ingénieuse, passagèrement avantageuse pour le Trésor dont les titres consolidés 3 pour 100 ne se cotaient alors qu’aux environs de 50 pour 100 ; mais elle eut les conséquences durables les plus fâcheuses, puisque ce rachat mit le gouvernement britannique et le met encore dans l’impossibilité de percevoir un impôt direct sur la plus grande partie des terres ; sur les 51 millions de francs du montant primitif de l’impôt foncier, 32 à 33 millions ont été graduellement rachetés[1]. Le Trésor s’est privé ainsi non seulement d’une ressource permanente déterminée, mais de tout l’accroissement graduel et éventuel de cette ressource avec le développement de la branche de richesse dont elle provenait. L’État anglais ne pourrait, sans manquer à sa parole, établir une contribution foncière générale. Les pouvoirs locaux seuls qui n’ont pas été partie à cette opération de rachat peuvent établir des taxes sur le sol et ils ne se gênent pas pour le faire.

C’est donc à l’absence de tout système régulier d’impôts directs et à l’impossibilité, non seulement en fait, mais en droit, d’en constituer un, qu’est dû le l’établissement de l’Income tax, impôt sur le revenu, en Angleterre et, malgré des résistances durant toute une génération, son maintien. La population parut s’y résigner, d’autant que le mode de perception évitait autant que

  1. Traité de la Science des Finances, 7e édition, tome Ier, p. 433-434.