Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

offertes. » Il me cita l’Espagne, la Crimée, l’Algérie, l’Italie. « Il y a longtemps que j’ai dit de lui qu’il avait une activité sans but ; il a de plus un esprit critique qui lui nuit beaucoup ; quand les affaires s’embrouillent, il éprouve un malin plaisir. — Ne pourrait-on, dis-je, le mettre à l’épreuve une fois de plus ? Ainsi, il se contenterait, dans un cabinet que je formerais, d’un ministère technique, celui de la marine. — S’il désire être ministre, il aurait dû se conduire de manière à rendre cela possible. Il a fait tout le contraire. Pourquoi ce discours au Sénat dans lequel il a opposé son programme au mien ? » Je démentis que Girardin fût un joueur à la Bourse : actuellement, son accession dans une combinaison parlementaire n’était pas facile, mais on pourrait la rendre possible, en l’employant d’une manière quelconque. Cela satisferait son ardent désir. « Je sais, fit l’Empereur ; déjà du temps de ma présidence, sa première femme, qui avait beaucoup d’esprit, me tourmentait pour que je le fisse ministre. »

Il ne fut pas moins explicite sur une catégorie de personnes dont La Tour du Moulin lui paraissait le type, c’est-à-dire sur ceux qui, élevés avec l’appui de l’Empire, s’étaient tournés vers l’opposition dès qu’ils l’avaient sentie en faveur dans le public : « Ne m’en parlez jamais, je vous en prie ! Lorsqu’un homme pour lequel je n’ai rien fait ou que j’ai combattu vient à moi, je suis tout disposé à lui accorder beaucoup. Je ne capitulerai jamais devant ceux qui, me devant tout, me combattent aujourd’hui afin d’obtenir davantage. D’ailleurs, qu’y gagnerai-je ? Je comprends l’ambition, mais il faut qu’on la justifie par le mérite. » Et il conclut en riant : « Je ne suis pas assez malade pour jeter mon bonnet par-dessus La Tour du Moulin. » Il fallut bien enfin en venir à moi : « Et vous, êtes-vous décidé à me donner votre concours ? — Oui, Sire, si vous le croyez nécessaire. Mais il m’est impossible d’entrer au ministère avec Forcade : il représente le système des candidatures officielles que j’ai combattu, et qui est, en ce moment, le grief principal de l’opposition. — Je ne puis abandonner Forcade, ce serait reconnaître que tout ce que j’ai fait jusqu’ici est mauvais. Ce serait déserter ma majorité, et rendre la dissolution inévitable. — Si vous ne voulez pas abandonner Forcade, ce que je comprends, Sire, permettez-moi de ne pas entrer aux affaires avant la réunion de la session et la fin de la vérification des pouvoirs. Bien des combinaisons,