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aux prières à la Croix des Tourelles, à l’endroit où a eu lieu le combat décisif du 8 mai 1429, elles étaient consacrées par une si longue tradition qu’on ne prévoyait non plus aucune objection contre elles. Mais c’était compter sans M. Clemenceau. On avait trop dit, peut-être, qu’il avait cédé, et que l’évêque d’Orléans avait eu gain de cause sur tous les points. Cédant à un nouvel accès d’irritation et d’impatience, il a communiqué aux journaux une note ainsi conçue : « Le président du Conseil n’admet pas que la participation du clergé soit subordonnée à la présence ou à l’absence d’une société quelconque. Le cortège se rendra aux Tourelles et ne s’y attardera pas ; si le clergé veut y célébrer une cérémonie religieuse, il le pourra, mais le cortège ne l’attendra pas et continuera sa route. M. Clemenceau ne veut pas admettre que les sociétés maçonniques, si elles en font la demande, ne soient pas comprises dans le cortège comme les autres sociétés d’Orléans. » Tout est remis en question !

Au moment où nous écrivons, les choses en sont là : comme une dizaine de jours doivent encore s’écouler avant la fête, qui pourrait prévoir les surprises que nous réserve encore M. Clemenceau ? Mais qui sait si la municipalité d’Orléans ne finira pas par secouer le joug que M. le président du Conseil veut lui imposer ? Elle est libre, en somme, d’inviter qui elle veut aux fêtes du 8 mai, et, s’il lui plaît de ne pas y convier les francs-maçons, de quel droit l’obligerait-on à le faire ? A force de faire sentir son autorité, on risque de la perdre. Il est possible, aussi, que la Loge maçonnique d’Orléans, soucieuse des intérêts de la ville, ne demande pas d’invitation : alors, la face de M. Clemenceau serait sauve, et c’est sans doute tout ce qu’il désire. Nous avons dit que la fête de Jeanne d’Arc était une reconstitution du passé. Il n’y avait pas de francs-maçons à Orléans, en 1429 : dès lors, leur présence à la fête du 8 mai prochain constituerait un anachronisme. Il y avait, au contraire, un évêque et des prêtres. Jeanne était profondément religieuse : elle inclinait sa glorieuse bannière devant la croix. Gardons-nous, en commémorant ces souvenirs, d’en fausser le caractère et d’en dénaturer l’expression.

Quant aux prières à la Croix des Tourelles, la solution que M. Clemenceau prétend imposer pour parer à la difficulté qu’il y aperçoit, est la pire de toutes. La fête n’a plus de sens si elle ne manifeste pas l’union de tous les Français : or, la solution de M. Clemenceau n’aurait d’autre effet que de manifester nos divisions. On a proposé, il y a quelques années, de faire en souvenir de Jeanne d’Arc une fête nationale qui serait venue s’ajouter à celle du 14 juillet. Nous en