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un phénomène étrange où ils retrouvaient le sceau même de la Passion de Jésus-Christ. Ils voyaient une religieuse, Catherine de Ricci par exemple, vivre pendant des années dans les mortifications et les jeûnes, tendre vers un idéal de souffrance et de sainteté par toutes les forces de son âme, et faire l’admiration des autres religieuses par la pureté de sa vie. Elle se sentait si près de son Dieu que tous les vendredis elle le voyait mourir, et croyait elle-même mourir de sa mort. Un jour, au sortir d’une extase, elle apparaissait marquée de cinq plaies sanglantes, et chaque semaine elle rafraîchissait ses blessures à sa vision. Que pouvait-on penser de ces marques étranges quand on ignorait tout de la physiologie nerveuse et que les mystiques présentaient, par contre, une explication théologique cohérente et claire ? Il fallait toute l’intelligence d’un Pétrarque, d’un Pomponazzi ou d’un saint François de Sales, pour pressentir l’explication rationnelle que la psychologie devait donner un jour.

La théologie, que l’on classe aujourd’hui parmi les sciences d’autorité, passait alors pour la plus expérimentale des sciences. Non seulement Dieu était partout présent dans son œuvre, mais dans les phénomènes de la vie nerveuse il se manifestait sans cesse par des apparitions, des révélations, des stigmatisations, c’est-à-dire par tout le merveilleux dont l’âme croyante du mystique tissait glorieusement et douloureusement sa sainteté.


G. DUMAS.