Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PREMIER AVEU (lettre)


Lorsque au jardin vous descendîtes
En nuage d’argent, ce soir,
Je ne sais plus ce que vous dîtes,
Tant je fus troublé de vous voir.

Vos tulles blancs rasaient la terre ;
Ce vêtement presque irréel
Vous enveloppait de mystère
Ainsi qu’un fantôme du ciel.

Je restai cloué sur ma chaise.
« Mon sort vient de se transformer,
Dis-je ému de frayeur et d’aise ;
Ah ! c’en est fait, je vais l’aimer ! »

Vos cheveux tressés en couronne
Ont un reflet vénitien.
Ce bras, puis cette main mignonne,
Ce charmant et noble maintien,

Ces yeux qu’avive la malice,
Ce sourire fin et moqueur,
Oui, tout en vous, avec délice,
Emeut, charme et remplit mon cœur.

Pardon de n’avoir pas la force
De garder pour moi mon secret.
Faible sous ma rugueuse écorce,
Je ne sais point… être discret.

Loin de votre charme suprême
Je suis tremblant et malheureux ;
Mais de près je dirai : « Je t’aime, »
Dieu mieux qu’aucun autre amoureux.