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que le brahme Kamika tient dans le Maha-Bharata, au roi Dhritarâshtra.

Ce n’était donc rien dire de trop que de parler, nous, d’un « machiavélisme perpétuel. » Perpétuel et universel, avec de très longues racines dans le passé, de très longues projections dans l’avenir, antérieur et postérieur à Machiavel, contemporain et concitoyen des Florentins, des Italiens de la fin du XVe siècle, mais contemporain et concitoyen aussi de tous les hommes de tous les temps et de tous les pays, vieux et jeune comme l’humanité. Quoi d’étonnant au surplus, si le machiavélisme est la politique même, et si la politique est bien « l’art de plier soit les hommes aux choses, soit les choses aux hommes, et de conformer les moyens au but ? » Seulement, en Italie, à Florence, vers la fin du XVe siècle, toutes les conditions, et les plus favorables, à un degré jamais atteint, se sont trouvées réunies : le machiavélisme a rencontré Machiavel : je veux dire que ce qu’il y avait, avant Machiavel, de machiavélisme en suspension dans l’humanité de tous les pays et de tous les temps a rencontré le Florentin, l’Italien de la fin du XVe siècle qui l’a fixé et exprimé, situé et daté : le vrai machiavélisme, le machiavélisme de Machiavel, est sorti de là, de la rencontre de cet homme, de ces hommes et de ces choses dans ce milieu. Il s’agit à présent de déterminer, textes en main, ce qu’est le vrai machiavélisme, le machiavélisme de Machiavel.


CHARLES BENOIST.