Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 39.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si nul historien, même excellent, non pas même le Pogge ni Léonard Arétin, n’avait, avant lui, donné cette place dans sa composition aux divisions de la cité, nul historien après lui n’a manqué de la leur faire : ni Guichardin, ni Bruto, ni Nardi, ni Varchi. Il semble que tous comme lui aient ressenti personnellement, en tant que membres, — au sens propre, — de l’Etat florentin, l’énervante trépidation de cette espèce de chorée constitutionnelle. La lassitude que Dante en éprouvait déjà au commencement du XIVe siècle s’est exaspérée, au commencement du XVIe, en une souffrance aiguë. Giannotti, quoique discret, s’en plaint : « C’est pourquoi chacun devrait extrêmement désirer à Florence une forme de gouvernement ainsi faite et préférer vivre en une situation moindre sous un régime qui se pût juger perpétuel, à vivre en une plus grande sous un autre régime qui chaque jour fût exposé aux changemens. Car, dans ces villes où fréquemment se font des mutations de gouvernement, toute classe de citoyens pâtit ; tel parti qui, sous telle administration, vit riche et honoré, sous telle autre vit pauvre et dédaigné, si bien qu’il n’est personne qui puisse dire que les mutations de l’Etat lui soient profitables ; parce que le gain qui se fait dans l’une est compensé par la perte qui se fait dans l’autre. »

Guichardin est plus vif et répète volontiers en ses Ricordi que changer ainsi et toujours changer, c’est faire un effort inutile : « Ne vous fatiguez pas, conseille-t-il, en ces changemens qui ne changent pas les effets qui vous déplaisent, mais seulement les visages des hommes, parce qu’ils vous laissent aussi peu satisfait que vous l’étiez auparavant (littéralement : parce qu’on reste avec la même mauvaise satisfaction). Par exemple, que sert-il d’ôter de chez les Médicis Ser Giovanni da Poppi, si, à sa place, entre Ser Bernardo da san Miniato, homme de la même qualité et condition ? » Ou bien : « Qui se mêle à Florence de l’Etat, s’il ne le fait par nécessité, ou s’il n’y court la chance de devenir chef du gouvernement, est peu prudent : parce qu’il met en péril lui-même et tout ce qu’il a, si la chose ne réussit pas : s’il réussit, il obtient à peine une petite partie de ce qu’il avait espéré ; mais quelle folie c’est de jouer à un jeu où l’on peut sans comparaison perdre plus que gagner, et, ce qui n’importe peut-être pas moins, une fois que l’Etat sera changé, être soumis au perpétuel tourment d’avoir toujours à craindre un changement nouveau ! » Et pourquoi ? Pour rien : « Tout ce qui a