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L’ÉTAT ITALIEN
ET
LA SCIENCE POLITIQUE AVANT MACHIAVEL

Si César Borgia a été l’original du Prince, et si sa vie, ou du moins certains temps, certains traits de sa vie ont été par Machiavel retenus comme exemple et donnés par lui en leçon[1], c’est pourtant là une base bien étroite et bien mince pour porter un si vaste et si haut édifice, l’œuvre du secrétaire florentin. De cette constatation : la vie de César Borgia fut une des sources du Prince, sort donc cette question : quelles furent, en général, les sources du machiavélisme ? Et cette première question, à son tour, en appellerait une deuxième et une troisième : qu’est-ce exactement que le machiavélisme ? Qu’est-ce vraiment que Machiavel ?

Fut-il vraiment un « politique d’enfer, » comme quelqu’un l’a nommé, qui, avec un rire mauvais et au plus outrageant mépris de l’homme et de l’humanité, passa ses jours et ses nuits à mettre en maximes monstrueuses les inventions d’un diabolique génie ? Ou, comme d’autres le murmurent, fut-ce seulement quelque gratte-papier, un peu pédant, un peu brouillon, qui, le plus naïvement du monde, sans le savoir ni le vouloir, alla droit devant lui, débitant des énormités que sa candeur même l’empêchait de voir si grosses ? Ou, peut-être, fut-ce un

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1906.