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qu’inaugure le Dix-Huit Brumaire, surtout après la publication de la Correspondance littéraire de Grimm et consorts (1812) et des Mémoires de Mme d’Epinay (1818), on voit se former la légende qui le présente sous le plus fâcheux aspect et n’a pas encore été révisée. — On pourrait répondre à ces observations préliminaires : que les témoins qui ont déposé contre Jean-Jacques ne peuvent être tous rangés dans la « clique » dirigée par Grimm et Diderot, ni considérés comme affiliés au « complot » dont il sera parlé tout à l’heure ; qu’ils le connaissaient moins de son vivant qu’on ne le connaît depuis sa mort, puisqu’ils ignoraient le contenu des Confessions ; que la légende diffamatoire dont la Correspondance littéraire et les Mémoires de Mme d’Epinay furent les outils les plus efficaces, rencontra toujours des adversaires résolus, — tel Musset-Pathay, dont l’Histoire de la vie et des ouvrages de J.-J. Rousseau est de 1821 ; — que dans le courant du XIXe siècle, il a paru partout, sur Jean-Jacques, nombre d’études équitables, dont les auteurs ont pressenti ou reconnu le peu de valeur de ces sources suspectes ; que beaucoup de points de sa biographie ont été examinés avec une évidente sympathie par des érudits scrupuleux, parmi lesquels je ne citerai que le plus éminent, M. Eugène Ritter ; enfin, que des honneurs publics lui ont été rendus avec abondance, à Genève et en France, et qu’en dernière analyse, il y a pour le moins quelque bizarrerie à parler de la réhabilitation d’un homme dont les cendres sont au Panthéon. Mais ces réserves, que je devais indiquer, sont plus spécieuses que fondées, et n’empêchent pas la « courbe » dessinée par Mme Macdonald d’être, en somme, exacte.

En constatant que la Correspondance et les Mémoires demeurent la base de presque toutes les accusations portées contre Jean-Jacques, Mme Macdonald se dit que, si les allégations de ces deux ouvrages étaient fausses, il se pouvait que leurs auteurs ne se fussent pas rencontrés par hasard dans leurs mauvais propos, mais qu’ils les eussent combinés dans le dessein de déshonorer leur victime : cas auquel ils ne seraient plus de simples calomniateurs, mais les fauteurs authentiques d’un véritable complot, de ce complot même que Rousseau dénonça si souvent sans parvenir à en saisir les fils. Après de longues recherches, elle retrouva dans les bibliothèques, d’abord le manuscrit original des Mémoires, rempli d’interpolations, de notes et de surcharges,