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d’être devenu célèbre à cause de l’amour qu’il a pour elle, et il déclare qu’il ne veut point d’autre renommée que celle de poète érotique[1]. Il s’écrie qu’il peut monter jusqu’aux astres les plus hauts maintenant que Cintia s’est donnée à lui[2], et il affirme que rien ne vaut une nuit passée avec elle[3]. « Que serait pour moi la vie sans toi ? Tu es à toi seule ma famille, ma patrie, tu es mon unique joie, ma joie éternelle[4]. » Et après avoir fait se lamenter la porte de l’illustre maison patricienne sur la décadence de la grande dame qui y habite, il la fait s’attendrir devant les plaintes de l’amant qui n’a pas encore réussi « à l’ouvrir avec des présens. »

Et les hommes qui devaient présider au rétablissement du passé, admiraient ces poésies et en protégeaient les auteurs ! Mais la contradiction était partout. On voulait de nouveau faire de la guerre et de la politique, la seule occupation des grands ; et parmi les sénateurs et les chevaliers se répandait au contraire le goût de toutes les œuvres que la morale antique considérait comme indignes. Combien d’entre eux, par exemple, n’auraient-ils pas voulu se faire acteurs[5] ! Le théâtre fascinait les neveux des conquérans du monde, qui avaient pourtant joué bien d’autres drames, sur des scènes plus vastes et devant un public plus nombreux. On réparait partout à Rome des temples et des sanctuaires ; on en construisait de nouveaux ; on rétablissait avec une minutie prétentieuse l’ancien cérémonial religieux ; mais l’esprit de la religion latine agonisait dans les formes trop artistiques et trop grecques dont on revotait maintenant les choses sacrées. L’ancien culte romain était une austère discipline des passions, qui devait préparer les hommes aux devoirs les plus pénibles de la vie privée et publique ; mais les dieux austères, qui symbolisaient les principes essentiels de cette discipline, n’étaient plus à leur place dans les somptueux temples de marbre, comme celui d’Apollon qu’Auguste avait inauguré en l’an 28. Ils perdaient leur caractère en prenant le nom des divinités grecques et en se montrant comme elles sous la forme de très belles statues à demi nues. Si le polythéisme grec venait de la même source que

  1. Properce, 1, 7, 9.
  2. Ibid., 1, 8, 43.
  3. Ibid., 1, 14, 9.
  4. Ibid., 1, 11, 22.
  5. Plusieurs dispositions furent prises à cette époque pour interdire cet art aux hautes classes.