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évidemment, un peu de prestige militaire lui allégerait sa tâche.

Malheureusement Auguste n’était pas né pour commander des armées. Les Cantabres et les Astures, sachant que s’ils étaient vaincus, ils seraient déportés au cœur des montagnes pour y extraire de l’or, se défendaient avec un courage désespéré ; et profitant des hésitations d’Auguste, ils le mirent bientôt, par des marches habiles et rapides, dans une situation difficile. Il eut la chance de tomber malade à un moment opportun : et cette maladie justifia aux yeux des légions son retour à Tarragone et la transmission du commandement à ses deux, légats, Caïus Antistius et Caïus Furnius[1]. Auguste, le pieux Auguste, se contenta de faire le vœu de bâtir un temple à Jupiter tonnant sur le Capitule, cette fois pour le remercier de ce que, dans une marche, il avait échappé miraculeusement à la fondre[2]. Si donc Rome ne rentrait pas, grâce à lui, en possession des mines d’or des Asturies, elle aurait du moins un temple de plus.

Mais après la chute de Cornélius Gallus, un autre incident étrange était survenu à Rome. Un homme obscur, un certain Marcus Egnatius Rufus, élu édile pour l’an 26, s’était mis à exercer sa charge avec un zèle inusité ; et tandis que les édiles laissaient ordinairement brûler les maisons du bon peuple, en disant qu’ils n’avaient pas ce qu’il fallait pour éteindre les incendies, il avait voulu faire pour le feu ce qu’Agrippa avait fait pour l’eau et Auguste pour les comptes de l’Etat : il avait composé avec ses esclaves quelques compagnies de pompiers, et comme Crassus, quand les incendies se déclaraient, il courait les éteindre, mais gratuitement[3]. Cette preuve de zèle inusité avait suffi à faire Rufus très populaire dans les classes moyennes et dans le petit peuple, qui tenaient à leurs maisons et à leurs mobiliers au moins autant qu’à la constitution ; les comices

  1. Dion (53, 25) ne cite qu’un seul légat : C. Antistius. Florus, 2, 33, 51 (4, 12, 51) en nomme trois : Antistius, Furnius et Agrippa. Orosc (6, 21, 6) en cite deux : Antistius et Firmius. Il n’y a donc pas de doute au sujet d’Antistius. Pour ce qui est d’Agrippa, je suis porté à croire que Florus a fait une confusion avec les guerres postérieures. Nous savons en effet qu’en l’an 27 et en l’an 25 Agrippa était à Rome ; et en outre, Orose ne parle pas de lui dans cette guerre. Quant au legatus au sujet duquel Orose et Florus ne sont pas d’accord, il est assez vraisemblable de supposer que ce fut ce C. Furnius, qui fut consul en l’an 17 av. J.-C.
  2. Suét., Aug., 39 : Mon. Anc, 4, 5.
  3. Dion, 53, 24 ; Vell., 2, 91, 3.