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tude. En veut-on un autre exemple ? À la veille de la séparation des Chambres, on lui a demandé ce qu’il adviendrait des condamnations déjà prononcées pour violation de la loi sur le repos hebdomadaire, et quelle serait pendant les vacances l’attitude des parquets en face des violations qui pourraient encore se produire. M. le garde des Sceaux a répondu qu’il ne serait pas donné suite aux anciennes condamnations ; puis, emporté par la logique, il a déclaré qu’on n’en prononcerait pas de nouvelles. C’était désavouer toute la loi ! Bien que tout le monde reconnaisse la nécessité de la reviser, le gouvernement n’avait pas voulu aller aussi loin ; mais M. le garde des Sceaux n’avait pas compris ce qui avait été décidé en conseil. M. le ministre du Travail s’est ému ; M. le président du Conseil est accouru. Bref, il a été convenu que l’indulgence s’appliquerait au passé et non pas à l’avenir. Pourquoi ? Si M. le garde des Sceaux n’avait pas compris, il avait en vérité, pour une fois, quelque raison de ne pas comprendre : son seul tort était d’avoir cherché à le faire, contre son habitude. Ces cotes mal taillées plaisent au gouvernement. Il croit toujours pouvoir sauver l’avenir en sacrifiant le passé. Il ne s’aperçoit pas qu’il se déconsidère dans le passé et qu’il s’affaiblit dans l’avenir. Donc, en ce qui concerne les syndicats de fonctionnaires, il a décidé qu’on n’en formerait plus : on en a formé tout de même et il a fermé les yeux. On les a même formés très bruyamment, et il a fermé les oreilles. On est allé plus loin : plusieurs syndicats de fonctionnaires se sont affiliés aux Bourses du travail et par elles à la Confédération générale, organisation essentiellement révolutionnaire, où s’élabore la grève générale et où on professe ouvertement le mépris de la patrie et celui de l’armée. Le gouvernement interdit ces affiliations ; mais, lorsqu’elles se produisent, il ferme les yeux, il se bouche les oreilles, et il attend. Il a déposé, à la fin de l’année dernière, un projet de loi sur la matière, projet qui est loin d’être bon, car il distingue artificiellement entre les fonctionnaires, suivant qu’ils sont agens de gestion ou d’autorité, mais qui, du moins, défend à ces derniers de se syndiquer. Les agens de gestion sont ceux qui ne détiennent et n’exercent aucune parcelle de l’autorité publique, comme les ouvriers qui fabriquent des cigares ou des allumettes au profit de l’État ; les agens d’autorité sont… les autres. Distinction subtile et arbitraire. Les instituteurs sont certainement, de tous les fonctionnaires, ceux dont la formation en syndicats et l’affiliation aux organisations révolutionnaires présentent le plus d’inconvéniens. En conséquence, on les leur interdit et on fait bien. Mais c’est une plaisanterie de