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assez de vigueur contre ce qu’il a de vraiment monstrueux : le mot n’est pas trop fort. La justice a été mise, honteusement, au service de la politique. Et si les papiers, ou la plupart d’entre eux, ne font pas partie du dossier de l’instruction, où sont-ils ? Entre quelles mains ont-ils été déposés ? À qui a été confié le soin de les garder ? Dans un cas comme dans l’autre, quelqu’un, nous ne savons pas qui, a commis un acte inqualifiable.

Si le parlement n’était pas en vacances, le ministère aurait déjà été mis en demeure de fournir des explications à ce sujet : la Chambre, en effet, est en droit de se juger offensée dans sa dignité par la divulgation des papiers de Mgr Montagnini. On se souvient que M. Jaurès a demandé qu’une commission fût immédiatement élue dans les bureaux pour en prendre connaissance. Nous n’étions pas partisan de cette commission, mais le gouvernement l’a été ; du moins, il n’a mis aucun obstacle à sa formation ; il s’est borné à dire que le dossier complet ne pourrait lui être remis que lorsque le procès intenté à M. l’abbé Jouin aurait été jugé en première instance. La Chambre s’est inclinée devant un scrupule aussi légitime : qu’en pense-t-elle aujourd’hui ? À peine a-t-elle été séparée que les journaux ont commencé à qui mieux mieux la publication des papiers Montagnini. Se serait-on, par hasard, moqué d’elle ? Nous ne savons pas ce qu’elle en dira lorsqu’elle reprendra sa session. Mais peut-être se sera-t-il passé d’ici là beaucoup de choses ; peut-être les esprits auront-ils été engagés dans une autre direction ; peut-être M. Clemenceau, qui s’est montré quelquefois si habile à les lancer sur des pistes imprévues, aura-t-il inventé quelque nouveau tour de sa façon. S’il a cru, toutefois, trouver dans les papiers de Mgr  Montagnini les élémens de quelque complot dont il pourrait tirer avantage aux yeux de l’opinion républicaine, son erreur a été complète. Il n’y a dans ces papiers que des pauvretés et des misères, et pas la moindre trace de conspiration. Nous n’avons pas à juger Mgr  Montagnini ; nous préférons nous en abstenir. Il s’est fait beaucoup d’illusions, et il les a fait trop souvent partager à son gouvernement. Mais à aucun moment il n’a tourné son effort ou celui des catholiques contre la République.

Y a-t-il eu, de ce fait, une déception pour M. Clemenceau ? On pourrait le croire à voir la violence avec laquelle il a cherché, du côté de M. Piou, une de ces diversions dont il est coutumier. Il a pris à partie M. Piou avec beaucoup de brutalité, de prolixité et de mauvais goût. Pourquoi ? Parce que, dans une de ses conversations, M. Piou aurait envisagé, pour l’écarter d’ailleurs, la possibilité d’agir