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temps. Deux Anges, dans une chapelle de l’église, sont d’un dessin plus original : mais Properzia les a simplement exécutés d’après des maquettes du sculpteur Tribolo. La sculpture, décidément, n’est pas un art qui réussisse aux femmes : à moins pourtant que celles-ci, jusque dans la sculpture, aient la sagesse et le goût de se créer des sujets ou genres spéciaux, expressément adaptés au génie féminin. Et c’est ainsi que Properzia, dont les reliefs et les statues sont, pour dire bien vrai, au-dessous des œuvres moyennes des sculpteurs de l’autre sexe, nous a laissé un témoignage beaucoup plus relevé de son talent dans le très bel encadrement de fruits, de feuillage, et de têtes d’oiseaux, qu’elle a sculpté, en 1524, pour le dais du maître-autel, dans l’église Sainte-Marie del Baraccano. Mais plus précieuse encore, d’un art à la fois plus parfait et plus féminin, est une série de vingt-deux petites figures taillées sur onze noyaux de pèches, et que l’on peut voir au Musée Civique de Bologne. Les figures des petites saintes, notamment, — car chaque noyau porte, d’un côté, un apôtre et, de l’autre, une sainte, — ont une grâce, une élégance, une vie exquises. Elles seules, en vérité, intercèdent auprès de nous avec quelque éloquence, pour obtenir que nous pardonnions à la « sculptrice » bolonaise sa fâcheuse habitude d’endommager les jardins de ses voisins, et la façon dont elle se consolait de ses déboires amoureux en essayant d’arracher le nez de ses confrères.


La vie d’Elisabetta Sirani nous est infiniment mieux connue : elle est aussi infiniment plus pure et plus sympathique. Fille d’un peintre bolonais qui avait pour métier d’assister le Guide, et de produire pour lui ces Ecce Homo, ces Mater Dolorosa, que lui réclamaient toutes les églises d’Italie et d’Espagne, Elisabetta n’avait que quatre ans lorsque mourut ce grand artiste, — l’un des peintres les plus « peintres » qu’il y ait eu jamais, et dont la valeur nous apparaîtrait bien plus évidemment si nous pouvons séparer son œuvre personnelle de tous ceux de ses tableaux qu’il faisait faire par des Sirani, ou de ceux qu’il fabriquait lui-même sans y mettre plus de soi qu’en les faisant faire ; mais, précisément, sa mort avait eu pour effet de consolider encore « la belle manière du Guide, » que le génie de celui-ci, de son vivant, avait toujours risqué de troubler ou d’altérer par de soudains caprices. De telle sorte que, toute petite, dans l’atelier paternel, Elisabetta, entre ses prières et ses leçons enfantines, jouait à dessiner ou à peindre des dessins et des tableaux du Guide.

Nous avons d’elle plusieurs portraits, autoritratti, qui nous permettent