Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/946

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Miola, qui commence une nouvelle action judiciaire contre Properzia di Rossi, et qui assigne avec elle, cette fois, un autre peintre, Dominique Francia. Il déclare que ces deux personnes se sont introduites chez lui, l’ont accablé d’injures, l’ont battu, et que Properzia, en outre, « lui a grièvement égratigné le visage. » Enfin un dernier document nous révèle que, le 24 février 1530, pendant que toute la ville était en fête pour le couronnement de l’empereur Charles-Quint par le pape Clément VII, la pauvre Properzia dei Rossi s’est éteinte, misérablement, dans la grande salle commune de l’Hôpital de la Mort.

À ces pièces authentiques, récemment découvertes dans les archives de Bologne, s’ajoute le chapitre consacré à Properzia] dei Rossi par son contemporain Vasari, qui avait, lui-même, assisté et collaboré aux fêtes bolonaises de 1530. C’est à Vasari que nous devons de savoir que Properzia était « bellissime de corps, » — ce qui n’empêche point le biographe arétin de nous offrir d’elle, dans le portrait gravé qui accompagne son chapitre, l’image d’une vieille mégère, avec de gros traits communs et méchans. Mais les portraits gravés de Vasari, comme l’on sait, ne sauraient être tenus pour des documens bien sérieux ; et l’on sait qu’il ne faut pas, non plus, accorder une confiance excessive aux affirmations écrites de l’ingénieux biographe. Dans son chapitre sur Properzia, — dont les trois quarts, au reste, sont remplis de digressions académico-poétiques sur le génie des femmes, — Vasari nous raconte que « la malheureuse dame » dépérissait d’amour pour un « beau jeune homme qui ne semblait guère se soucier d’elle ; » sur quoi, ayant été chargée de sculpter des sujets en bas-relief pour orner l’une des portes de la façade de l’église Saint-Pétrone, « elle y représenta la femme de l’intendant de Pharaon, qui, s’étant éprise de Joseph, et comme désespérée de l’avoir tant supplié, finit par lui arracher son manteau, avec une grâce toute féminine, et plus qu’admirable. » Encore ne réussit-elle point à « éteindre » ainsi « son ardentissime passion : » car, quelques lignes plus loin, Vasari recommence à l’appeler « la pauvre énamourée. »

Le relief dont parle Vasari, sculpté en 1525 pour le portail de Saint-Pétrone, est conservé, aujourd’hui, dans le petit musée de « l’œuvre » de cette église. La figure de la femme, qui, suivant la tradition, est un portrait de Properzia elle-même, ne manque pas, en effet, d’une certaine beauté, dans l’expression sensuelle et passionnée de son mouvement : mais ni ce groupe, ni celui de la Reine de Saba et de Salomon, qui lui fait pendant, ne dépassent la médiocrité ordinaire des sculptures « michel-angesques, » ou plutôt « raphaëlesques, » du