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Mais Mme Ragg a pu voir, en outre, et a reproduit dans son livre, une autre Vierge et un Christ bénissant que gardent les religieuses du Corpus Domini, et qui ressemblent, effectivement, à la Vierge de l’église, ne serait-ce que par la naïve gaucherie de leur exécution. Ce sont, ces deux Vierges et ce Christ, des enluminures d’un format trop grand, et l’intention pieuse que l’on y devine suffit à peine pour les empêcher d’être déplaisantes, ou plutôt d’être même quelque peu ridicules : coloriages enfantins d’une personne qui, sans doute, a poussé le scrupule monacal jusqu’à ne jamais ouvrir ses yeux sur des formes vivantes.


Les trois autres « femmes artistes » bolonaises que nous présente Mme Ragg sont : une « sculptrice » du commencement du XVIe siècle, Properzia dei Rossi, et deux peintres, du début et du milieu du siècle suivant, Lavinia Fontana et Elisabetta Sirani. Deux de ces femmes, de même qu’Arcangela Paladini, sont mortes dès leur jeunesse : Properzia dei Rossi à vingt-sept ou vingt-huit ans, en 1530, Elisabetta Sirani à vingt-six, en 1665. Toutes deux « bellissimes, » au témoignage de leurs contemporains ; toutes deux habiles « à chanter et à sonner du luth. » Avec cela, aussi différentes que possible l’une de l’autre, à la fois par leur caractère et par leur destinée : mais bien plus différentes encore, l’une et l’autre, de la sainte Clarisse que l’on s’étonne que Mme Ragg ait eu la pensée de leur associer.

Les quelques documens authentiques que nous possédons sur la vie privée de Properzia dei Rossi seraient faits pour nous donner, de cette jeune femme, une idée assez singulière. Dans les premiers mois de l’année 1521, un certain François, marchand de velours, venu de Milan à Bologne, et ayant son commerce dans cette ville, intente un procès à la demoiselle Properzia, « maîtresse d’Antoine Galeazzo di Napoleone Malvasia, » pour les dégradations commises par elle dans son jardin de la rue Saint-Laurent, contigu au jardin de ladite demoiselle ; à quoi Antoine Galeazzo répond que Properzia n’est point, présentement, sa maîtresse, ajoutant, par manière de preuve, qu’il n’habite pas avec elle ; — en fait, sa maison était à trois minutes de marche de la rue Saint-Laurent. La réponse, d’ailleurs, ne semble pas avoir été prise en considération, car, quelque temps après, le 12 avril de la même année, Antoine Galeazzo et Properzia sont de nouveau mandés en justice par le marchand de velours, qui s’obstine à exiger d’eux le dédommagement des dégâts produits dans son jardin. Quatre ans plus tard, en janvier 1525, c’est un peintre bolonais, Vincent