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artistes » de Mme Ragg un caractère trop spécial pour que nous puissions, avec l’auteur anglais, considérer sainte Catherine de Bologne au même point de vue que Lavinia Fontana ou qu’Elisabetta Sirani.

Non pas qu’il n’y ait des saints qui ont pleinement le droit d’être admis dans l’histoire des arts ! Mais ceux-là mêmes ne demandent pas à y entrer tout entiers, et, toujours une partie de leur vie, comme de leur personne, ne s’accommode point d’y être introduite. Lorsque M. Henri Cochin, l’année dernière, a eu à écrire, pour la collection des « Saints, » la biographie du Bienheureux Fra Angelico, on se souvient qu’il a tâché surtout à ressusciter, avec un beau mélange de couleur pittoresque et de pénétration psychologique, la figure d’un moine parfaitement chrétien, employant toute son âme au service de Dieu[1]. S’il avait eu à étudier le peintre, au lieu du saint, le livre qu’il nous aurait donné aurait été tout autre. Et il y a eu aussi, d’autre part, des artistes qui, sans que leur sainteté ait été proclamée ici-bas, ont été certainement récompensés, là-haut, du soin et de l’habileté qu’ils ont mis à nous transmettre, dans leurs œuvres, les visions adorables que leur suggérait leur pieux amour de la Vierge ou de l’Enfant-Jésus ; et ceux-là, un Etienne Lochner, un Borgognone, un Sano di Pietro, nous ayant légué tout leur cœur avec tout leur génie, appartiennent tout entiers à l’histoire de l’art, dont ils sont, pour nous, les fleurs les plus pures et les plus parfumées. Mais sainte Catherine de Bologne, d’après ce qui nous reste de ses peintures, n’était point de leur race ; et Mme Ragg se trompe étrangement quand elle affirme que, « par son doux mysticisme et son manque de science, elle était proche parente du moine dominicain qui, vers le même temps, à Florence, s’occupait à décorer les murs du couvent de Saint-Marc. » J’ai eu déjà l’occasion de dire tout ce qu’avait d’insensé la légende du « manque de science » de Fra Angelico, dont les fresques de Saint-Marc, précisément, dans leur simplicité, sont un des plus savans chefs-d’œuvre de la fresque italienne : tandis que chez sainte Catherine de Bologne, hélas ! le « manque de science » n’est que trop visible. Je ne connais d’elle, en vérité, que la vénérable Vierge à la Pomme qui orne sa chapelle, au Corpus Domini : car la sainte Ursule du musée de Bologne, et une autre peinture analogue à l’Académie de Venise ne sont évidemment pas de la même main que cette Vierge à la Pomme, dont l’attribution à la sainte est assez confirmée par le lieu où, depuis des siècles, elle est exposée.

  1. Voyez la Revue du 15 avril 1906.