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près d’une gorge étroite remontant vers les sommets, est l’hypogée à inscription latine de Sextus Florentins.


En revenant, chaque fois, vers le soir, de nos longues courses à travers les ruines de la ville, nous avons le spectacle de ces centaines de tombes éclairées par les derniers rayons du soleil couchant. Il s’en va dans les mauves, dans les roses, dans un lit doré incomparable, vers d’autres pays.

C’est la fin d’un jour s’étendant encore une fois depuis tant de siècles sur la fin d’une cité. Il y a une infinie poésie, pleine de mélancolie, à ces heures de transition où tout se calme dans la nature. Quelques hirondelles nouvellement arrivées achèvent leur chasse : ce sont les seuls êtres qui donnent un semblant de vie à cette mort de toutes choses.

Quand nous arrivons près du campement, tout s’est éteint en tant que jour, mais les scintillemens des astres remplacent de leur magie, tout là-haut sur cette voûte inlassable de spectacles glorieux, la féerie des crépuscules, et dans le champ des étoiles c’est la voie lactée, monde de frissons de lumière qui trace à travers les espaces son large chemin tout blanc d’une brume d’argent. Puis, ce sont les montagnes sombres qui, bientôt, nous enserrent, les grandes tombes nos voisines, dont les portes ouvertes sont encore plus mystérieusement sombres.

Enfin, un peu de vie a été réunie d’une façon passagère à l’entrée du Sik, autrefois si animé. Les feux du camp brillent dans l’obscurité en longues gerbes qui s’élancent et se tordent. Les bédouins réunis autour, tantôt accroupis, tantôt passant et repassant dans leurs vêtemens flottans, vont et viennent comme des fantômes. Ils causent, ils discutent, mais la flamme diminue ; il ne reste que des braises et, vite, l’un d’eux jette des racines et des branches. Le bois crépite. Une bouffée d’épaisse fumée embaumée monte au ciel, une brindille se rallume ; en une seconde, tout est embrasé de nouveau. Sur les roches rouges, la flamme de sa lumière vacillante va marquer ses empreintes, tandis que les silhouettes des Arabes, démesurément agrandies comme des ombres chinoises, se projettent sur ce fond de décor rugueux, et, tout autour, les chameaux couchés, ruminans, heureux d’avoir de la chaleur, ressemblent à des animaux sculptés, tant ils sont immobiles. Le calme de la nuit a succédé à la silencieuse tranquillité du jour.