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ni un faubourg éloigné de Pétra, ni même une bourgade. Il n’y avait là, strictement, que les logemens des prêtres. C’était uniquement un lieu de prière.

Sous la domination byzantine, autant qu’il est possible de s’en rendre compte, des solitaires tentés par la beauté du site sont venus s’y installer ; mais, comme il n’y a pas d’inscriptions, ces grottes sont difficiles à identifier avec certitude. Cependant, elles ont bien l’aspect des laures chrétiennes se retrouvant un peu partout dans cette partie de l’Orient. Un étroit bourrelet rocheux masque le panorama des grands horizons de l’Ouest. Il faut monter de quelques mètres seulement et, à nos pieds, la vue plonge sur la chute du plateau qui tombe dans l’Arabah. Les dômes, les précipices, les pics, les ravins s’entre-croisent, se mêlent pour s’éteindre dans le fond plat et désertique de cet Arabah, un des points les plus chauds du globe, un des endroits où les expulsés des douars, les coupeurs de routes, les malandrins de toutes les espèces se donnent rendez-vous pour tenter leurs mauvais coups. Les seuls momens pendant lesquels il n’y a guère à se tenir sur ses gardes en le traversant, c’est lorsque les grandes tribus y font paître leurs troupeaux. Mais quand il est inhabité par les nomades, comme il l’était l’autre semaine au moment où nous l’avons parcouru, il est prudent de veiller jour et nuit pour éviter une mauvaise surprise.

Au delà de l’Arabah, vers le Sud-Ouest, c’est le désert blanc, crayeux, désolé, du plateau de Tih. A l’Ouest, ce sont les cimes découpées du Djebel Maqra, dont le massif n’a encore été que peu ou pas exploré. Au Nord-Ouest, dans la direction de Bersabée, voilà toutes les montagnes arides qui séparent la Mer-Morte de la Méditerranée.

Des restes de sable en suspension dans l’air, une atmosphère surchauffée par un soleil vertical, voilent les extrêmes lointains d’une brume laiteuse. Pas un souffle de brise ne vient rompre la passivité de la nature. Une immense impression de sommeil, de torpeur s’étend sous le suaire du ciel engourdi, sur ces terres mortes, sans l’émission possible, maudites à jamais, et dont parlent les Écritures comme de l’image de la Désolation des désolations.


Sur la paroi Nord-Est du cirque de Pétra, se trouvent les tombes les plus importantes, mais elles sont les moins anciennes, datant pour la plupart de l’époque romaine.