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a douze mètres sur douze ; l’autel est encore debout, et les murs, suivant la coutume de Pétra, n’ont rien pour les orner. Il faut songer à l’énorme travail qu’a nécessité la création de ce temple, car il a fallu aller assez avant dans la montagne, pour pouvoir trouver la surface verticale suffisante pour y inscrire l’édifice.

Les chapiteaux sont de style nabatéen, et des trous, disséminés çà et là, font supposer qu’autrefois il devait y avoir, soit des ornemens, soit une dédicace en bronze.

Elle a été une conception grandiose, celle de ce temple magnifique, taillé aux sommets des montagnes dans la nature silencieuse et recueillie. Aucune humanité, sauf l’humanité priante, ne venait, à cette distance de la ville, troubler le repos du lieu, la majesté des cérémonies.

Le gigantesque escalier gravissant les pentes n’était destiné qu’à lui, et c’est pour lui seul aussi que la large esplanade, lui servant de parvis, avait été nivelée, égalisée.

Les rochers sur lesquels le temple s’appuie, ceux qui l’encadrent et ceux aussi qui lui font face sont plus rongés, ont un aspect plus vénérable que partout ailleurs. Les colorations des grès n’ont pas ces roses tendres, ces jaunes exquis, elles sont plus foncées, plus sérieuses, tout y est plus grave.

A quelle divinité était-il dédié, pour quel Dieu avait-il été imaginé ?

C’est ce que nous ne savons pas. Peut-être des fouilles nous l’apprendront-elles un jour. Mais, aujourd’hui, après deux mille ans d’existence qui sont passés sur lui comme une tranquille journée, il se dresse, calme, mystérieux, sa face tournée en plein soleil. C’est une solennelle énigme contemplant, muette, le ciel. Un thuya poussant au-dessus de la lanterne caresse l’urne symbolique aux jours où le vent du désert souffle en tempête.

Le grand parvis est couvert d’herbes vertes, de boutons d’or, de lis blancs qu’aucun pas humain n’avait foulés, et moi aussi, respectueux de ce décor immaculé, j’ai fait un détour pour ne pas froisser le tapis des fleurs qui, avec les pigeons sauvages, sont les seuls compagnons du grand sanctuaire d’Ed Deir, le temple des sommets.

A l’extrémité du parvis, des arasemens indiquent l’endroit oïl s’élevaient les habitations du personnel religieux.

Si on en juge par ce qu’il en reste, Ed Deir n’a jamais été