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choisis dans l’endroit d’où la vue pouvait s’échapper vers les horizons infinis, inondés par le soleil, baignés par la lune argentée pendant les nuits rêveuses et féeriques de l’Orient.

Partout nous retrouvons cet amour de la nature dans le choix du lieu, la pensée poétique, grande, noble, ne recherchant que la majesté dans la désignation des emplacemens.


Vers l’Ouest de Pétra, sur le sommet du versant de l’Arabah, tout à fait en dehors de la ville, à une heure de marche environ, il y a le temple d’Ed Deir. Pour y arriver, en quittant les tentes, toujours plantées au débouché du Sik, il faut suivre les bords de l’Ouady Mouça, jusqu’à l’extrémité de la voie triomphale, à hauteur du Kasr Fir’aoun, puis, remontant au Nord en longeant la falaise Ouest du cirque, on s’engage enfin dans la première gorge se présentant sur la gauche. Jusque-là, c’est la ruine des temples, des monumens, des quais, des maisons. Un mauvais génie s’est acharné sur la ville en en réduisant jusqu’aux ruines mêmes. Mais, aussitôt qu’on arrive dans la gorge, les tombes commencent, creusées dans les parois. Un mince filet d’eau, descendant de la montagne, coule silencieusement au milieu des lauriers-roses. Il poursuit son chemin, s’appauvrissant à tous les pas, jusqu’au moment où, épuisé par les lauriers, bu par le sable insatiable, il meurt, victime de sa générosité, dans une cuvette de grès rose.

A l’ombre des rochers, il y a un peu d’herbe verte, des anémones rouges, des boutons d’or ; c’est le printemps de l’Arabie Pétrée. Les thuyas, l’arbre des mauvais sols, s’accrochent sur les pentes qui s’élèvent perpendiculaires, roses, rousses, jaunes, dorées, vers le ciel magnifiquement bleu, de ce bleu limpide, profond, qui donne une impression de solidité, sans rien perdre de ses transparences.

Nous arrivons enfin aux premières marches du grand escalier menant au sanctuaire. Pas une de ces marches n’a été rapportée ; toutes sont taillées dans le roc, elles ont sept ou huit mètres de largeur. Aux endroits où le défilé était trop étroit, de grandes coupes ont été faites dans la pierre pour permettre à l’escalier de continuer. Il monte en lacets, tantôt bordant le précipice, tantôt suivant le fond d’un ravin secondaire. Au nombre des sépultures que l’on rencontre, il y en a une qui est particulièrement à signaler : c’est une façade de l’époque romaine,