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des lis et des anémones n’y fleurissaient pas au printemps, mais d’où la vue est la plus impressionnante, la plus grandiose, des fils ont fait creuser un monument à la mémoire de leur père ; dans le sanctuaire sans sculpture n’ayant que des autels votifs, on lit l’inscription suivante : « ...Ceci est la statue d’Abodat dieu que lui ont élevée les fils de Honeinou... en l’année 29 du règne et pour le salut d’Arétas roi de Nabatène qui aime son peuple et de Chouqaïlat sa sœur, reine de Nabatène, etc. »

Cette chapelle date donc d’environ 20 après J.-C. Nous n’aurons peut-être jamais des renseignemens très complets sur ce qu’étaient les Nabatéens, dont l’histoire intime nous sera probablement toujours inconnue. Mais, à en juger par ce qu’ils ont laissé, si une école artistique nationale a toujours fait défaut, ils n’en avaient pas moins un puissant sentiment de la nature et des ressources incalculables, toujours variées, qu’il est possible d’en tirer. Aucun édifice n’a été taillé dans un endroit quelconque. Tous ont été placés dans le cadre le plus beau, le plus en rapport avec sa destination, à la place précise où ils pouvaient parler à l’âme de la façon la plus forte, la plus puissante.

Ici, c’est le sanctuaire d’Obodat creusé par les mains pieuses des fils au père divinisé. L’extrême simplicité du monument, la courte dédicace qu’une phrase plus allongée aurait diminuée, la grandeur sauvage du site, aux tonalités rousses, fauves, comme brûlées, où le mort repose au moins en effigie, dans le chaos de la mort des élémens, font bien, de ce lieu, le lieu le meilleur où il fût possible de perpétuer la mémoire d’un héros déifié.

Tout à l’heure, c’était le Haut-Lieu. Aucune ombre de montagne ne vient se projeter sur lui, il domine entièrement la contrée environnante ; il plane pour ainsi dire au-dessus de la ville des vivans, au-dessus de la ville des morts ; le ciel en forme la voûte, et la prière pure, la fumée des holocaustes peuvent s’élever vers l’Eternel sans contact avec la terre.

Dans la gorge du Sik, c’est le temple rose, cette divine création, cette merveilleuse surprise pour ceux qui arrivaient, ce dernier et exquis souvenir pour ceux qui s’en allaient, où venans et partans pouvaient implorer, remercier les dieux dans le cadre le plus beau que l’esprit humain puisse imaginer. C’est le temple d’Ed Deir où nous irons tout à l’heure. Ce sont ces escaliers colossaux, entaillés dans la montagne, qui conduisaient aux sanctuaires, dont les paliers, places de repos, étaient