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défiance des fonctionnaires de la Porte. Le Mudir de Chobak, ayant appris notre arrivée et étant venu viser nos passeports, voulant savoir aussi s’il y avait des Anglais parmi nous (c’était au plus fort des affaires de Tabah), fut très troublé à la vue d’une pioche qui servait pour planter les tentes ; il voulut nous répartir en deux ou trois groupes sous la surveillance de gendarmes qu’il avait amenés avec lui. Mais, au bout de dix minutes, chacun ayant pris sa direction, les gendarmes n’eurent plus qu’à aller dormir dans des tombes en attendant le soir. Cependant, jusqu’à la fin de notre séjour, il y eut plus ou moins des gardiens attachés à nos pas, et aucune fouille, même modeste, n’aurait été possible.


Nous venons de voir plus haut que la principale entrée de Pétra devait être par la gorge du Sik, étroit et sinueux couloir aux parois abruptes, à peine assez large en certains endroits pour que deux chameaux puissent se croiser avec des charges. A une petite distance de son débouché sur la ville, près des dernières tombes, le couloir s’élargit subitement par une déchirure, une crevasse perpendiculaire à sa direction générale, et juste devant l’entrée de la reprise du couloir vers l’Est, on se trouve tout à coup en présence d’une des plus parfaites merveilles que l’antiquité, si prodigue sur ce chapitre, nous ait léguée. Est-ce une sépulture ? Est-ce un temple ? Les avis sont partagés. C’est un temple vraisemblablement. Les voyageurs venaient là, sans doute, implorer ou remercier la divinité, soit quand ils partaient pour leurs longs et périlleux voyages à travers le désert, soit quand ils en revenaient. Quoi qu’il en soit, le culte du beau a entaillé les grès et, dans les roses tendres que le jaune soufre vient dorer et rendre plus chauds, six colonnes aux chapiteaux corinthiens exquis s’élèvent du péristyle et soutiennent un bandeau finement sculpté, sur lequel des coupes viennent s’appuyer à un réseau de pampres légers, frissonnans. Un fronton triangulaire, orné d’un disque solaire, reposant sur deux cornes d’abondance, termine ce premier étage. Un autre bandeau, en retrait, plus large et tout simple, l’unit au second. Là, les roses seules charment la nudité de la pierre. Ce second étage se com- pose, au centre, d’une rotonde coiffée d’une toiture fuyante que couronne une urne placée sur un piédestal ; des deux côtés, un fronton coupé, terminé en haut par des aigles. Ces trois parties