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temples et peut-être d’une église. Ce qui frappe dans le reste de la ville, c’est la petite quantité de matériaux provenant des ruines des maisons particulières. Elles devaient être petites et très peu élevées ; la pierre est restée en place, elle n’a été ni touchée, ni transportée ailleurs et le monceau de décombres est infiniment réduit. Le soubassement seulement était-il en moellons et le reste en briques crues ? C’est une hypothèse.


Quand on se promène parmi ces ruines sur lesquelles plane comme une sorte d’angoisse, on cherche à se représenter l’animation d’autrefois, au moment de l’arrivée des grandes caravanes transportant toutes les marchandises de l’Orient. On cherche à se figurer ce qu’était Pétra quand il y avait une menace de siège ; quand les éclaireurs du désert venaient annoncer l’approche d’une armée ennemie et que les hommes, courant aux armes, se réunissaient pour le repousser, ou au contraire quand un personnage important était reçu solennellement par le peuple en fête.

Maintenant, sur cette ville au passé triste ou joyeux, parmi les pierres culbutées, il ne pousse que de pauvres arbustes épineux ; au printemps, les lis, l’asphodèle fleurissent, donnant un peu de gaîté, mais tout cela est bien inanimé et, si un bédouin en haillons, gardant des chèvres noires faméliques, ne venait à passer à de grands intervalles avec son troupeau, la solitude y serait complète. Tout en poursuivant notre chemin et en remontant l’Ouady Mouça, on arrive vers le rebord Est du cirque, à l’entrée d’une gorge qui devient de moins en moins large pour n’être plus bientôt qu’une coulée sauvage encaissée, un gigantesque coup de sabre dans la roche rouge. C’est la gorge du Sik.

C’était autrefois la principale entrée de la ville. Mais avant de parvenir à l’étranglement presque complet, toujours sur la rive gauche de l’Ouady, se trouve le théâtre taillé sous Pompée, — dit-on, — au pied de la montagne sacrée. Les gradins sur lesquels s’asseyaient les spectateurs sont intacts comme au premier jour. J’en ai compté trente-trois rangs. Comme la plupart des théâtres antiques, il affecte une forme demi-circulaire allant en s’évasant. Sept à huit mille personnes pouvaient s’y tenir à l’aise ; il a été entièrement creusé dans les grès. Au-dessus du rang le plus élevé, mais faisant partie du théâtre, tout le long du promenoir, des tombes, dont les portes n’existent plus