Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/901

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici donc un peuple de nomades, entrepositaire de nombreuses marchandises, accumulant de grandes richesses personnelles, il faut un endroit fixe, un lieu stable, pour pouvoir mettre marchandises et richesses à l’abri d’un coup de main et des perpétuelles déprédations des maraudeurs du désert. Sur l’un des chemins de leurs caravanes, les Nabatéens choisissent au milieu des montagnes, dans un endroit inaccessible ou à peu près, un emplacement où ils pourront laisser en sûreté femmes, enfans et fortune, et ils lui donnent le nom de « La Roche. »

Jamais désignation n’a été plus méritée, car il est impossible de trouver une nature plus déchirée, plus tourmentée ; les moindres ravins sont des précipices, et les sentiers aboutissant à la ville, véritables couloirs, sont facilement défendables avec une poignée d’hommes et quelques pierres qu’il n’y a qu’à faire rouler sur la tête des envahisseurs.

Il y a une particularité à remarquer, c’est que, comme dans ce pays, ils ne trouvent pas un sommet, un plateau assez étendu pour s’y installer, ils tournent la difficulté en se plaçant dans un cirque de montagnes.

A l’origine, La Roche n’était pas construite, les habitans vivaient sous la tente. C’était un campement ne se déplaçant plus. Ce n’est peut-être que sous Arétas III, vers 87 à 62 avant J.-C, que Pétra devient une ville, dans le sens propre du mot, tel que nous l’entendons. Quant au chiffre de sa population, il est impossible de le fixer pour plusieurs raisons. D’abord l’état de ruine des maisons à l’heure actuelle ne permet guère de se former une opinion sur ce que pouvaient contenir ses habitations. En second lieu, cette population a varié certainement aux différentes époques de son histoire, suivant que le commerce était actif ou ne l’était pas, et suivant que sa situation politique était plus ou moins prépondérante.

La seule chose qu’il est possible d’affirmer avec certitude, c’est que la Pétra florissante fut une grande ville et un centre très important dans ce coin perdu de l’Orient, au milieu des déserts de l’Arabie. Le régime était démocratique ; il n’empêchait cependant pas le pouvoir d’être confié à un seul, mais le Roi avait un procureur qui gouvernait pour lui. Ses fonctions devaient être plus religieuses que civiles, car il était le grand