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PÉTRA

De toutes les cités antiques, de toutes ces villes qui sont maintenant déchues pour toujours, Pétra est certainement une de celles dont le nom tente le plus l’imagination du voyageur.

La difficulté de son accès, l’aridité, la majestueuse beauté et le cachet grandiose des montagnes qui l’environnent, l’étrangeté du site, le mystère qui enveloppe sa fondation, sa fin dont nous ne connaissons qu’imparfaitement la date, les merveilleux monumens ornant les montagnes entières du cirque au milieu duquel elle repose, tout cet ensemble contribue à faire de Pétra un endroit unique dans son genre. Une infinie poésie pleine de tristesse et de mélancolie se dégage, malgré un ciel admirable et des colorations inouïes, de ses ruines accumulées, où les restes les plus vivans sont, après tout, les monumens qui, autrefois, étaient dédiés aux morts. Ce qui parle le plus fort aux voyageurs, ce sont précisément les demeures de ceux qui, il y a deux mille ans, ne parlaient déjà plus. Quant à la ville des vivans, elle a été tellement bouleversée qu’en certains endroits il est difficile de retrouver le tracé des rues, des places ou des carrefours. Un grand temple bien délabré, les débris des décorations qui ornaient la voie triomphale sur les bords d’un oued desséché, des culées de ponts, quelques colonnes et des dizaines d’hectares de pierres culbutées, pêle-mêle, sous lesquelles s’abritent des légions de serpens et de scorpions, voilà, à l’heure présente, l’antique ville des vivans.

Il est très difficile de séjourner à Pétra, ou même d’y parvenir. MM. W. Libbey, de l’Université de Princeton (États-Unis) et F. E. Hoskins, qui firent le voyage en 1902, comptent seulement seize expéditions ou voyageurs y ayant été, depuis