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Elle ne le fut pas cependant. Par le même chemin que la demande, la réponse fut expédiée et parvint à Pétersbourg le 1er mars. Cette réponse était un refus : bien plus, un réquisitoire, et un réquisitoire qui réveillait des griefs dont on pouvait se croire libéré. Que demandait-on, disait le correspondant du comte, des concessions à l’Allemagne, alors qu’elle avait « accordé » à la France la police des districts marocains frontières de l’Algérie ? Comment supposait-on qu’elle céderait quoi que ce fût, en présence des violences de la presse française ? Si on voulait à Saint-Pétersbourg éviter une rupture, c’est à Paris plutôt qu’à Berlin qu’il fallait adresser les conseils de modération, à Paris et à Algésiras, car M. Révoil et M. Regnault, sacrifiant le bien de leur pays à un intérêt personnel, « intriguaient » pour remporter un succès d’amour-propre. Cependant, par égard pour le comte Witte, l’Empereur voulait bien faire une concession nouvelle : et cette concession, dont l’importance était si fortement mise en valeur par ce qui précédait, c’était… la combinaison même que, six jours plus tôt, le chancelier avait proposée au baron de Courcel. Il était donc impossible de parler encore d’une divergence de vues entre l’empereur Guillaume et la chancellerie, puisque, à quelque porte qu’on frappât, l’intransigeance était la même et la réponse identique. Seule, une confiance persistante dans la faiblesse de la France et dans sa capitulation finale expliquait cette intransigeance et le peu d’égards avec lequel on accueillait une démarche aussi pressante que celle du premier ministre russe.

Dans le même temps, l’insistance énergique du président des Etats-Unis n’obtenait pas meilleur succès que celle du comte Witte. Par deux fois, du 17 au 23 février, M. Roosevelt télégraphiait à Guillaume II. Il lui rappelait sa promesse de 1905 de se rallier à la solution que le gouvernement de l’Union jugerait équitable[1]. Et il lui recommandait le projet suivant : police limitée à huit ports ; instructeurs français et espagnols ; rapport adressé par les plus élevés en grade au Sultan ; communication de ce rapport à la légation d’Italie à Tanger, et, par le gouvernement italien, aux puissances. Aussitôt, l’Empereur répondait ; et sa réponse était un refus. Ce refus s’enveloppait dans une

  1. Guillaume II avait fait cette promesse à M. Roosevelt, au moment où celui-ci, en juin 1905, conseillait à M. Rouvier, dans l’intérêt de la paix générale, d’accepter la conférence.