Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accroître cette aversion ? Comment une femme n’aurait-elle pas été touchée du trait de ce duc français avalant sans sourciller et proclamant excellent un verre d’huile de castor que lui servait son hôte, un grand seigneur anglais, comme un vin de Constance sans pareil, sans prix, comme un diamant liquide ? La maison de lord Stanhope, baptisée ironiquement par le roi Democracy Hall, devint si odieuse à Hester, qu’elle la quitta au commencement de 1800, et se réfugia chez sa grand’mère Chatham, à Burton Pynsent, dans le comté de Somerset. C’est là qu’elle vit souvent son oncle William Pitt auquel elle avait voué l’admiration la plus profonde. Celui-ci ayant quitté pour quelque temps le ministère, son successeur ou plutôt sa doublure, Addington, signa la paix avec la France (mars 1802), et les Anglais, si longtemps sevrés des plaisirs de la vie parisienne, se ruèrent en foule sur la France[1]. Curieuse, elle aussi, de visiter un pays si tragique où l’on avait vécu des siècles en moins de quinze ans, peut-être aussi de voir ce Premier Consul qui tenait l’emploi depuis longtemps inoccupé de grand homme, et remplissait le monde de sa gloire, Hester s’embarquait avec les Egerton, demeurait en France jusqu’à la rupture du traité d’Amiens, parcourait ensuite l’Italie. Si les Français ne l’émerveillèrent plus, comme avait fait jadis le comte d’Adhémar, du moins fut-elle sensible aux égards qu’on lui témoigna, et qu’elle n’oublia jamais.

Lorsqu’elle rentra en Angleterre, sa chère grand’maman Stanhope venait de mourir, et le logis paternel ne lui agréait pas plus qu’avant. Que faire ? Que devenir ? Comme il n’était pas dans ses habitudes d’hésiter longtemps, elle demanda l’hospitalité à William Pitt qui, malgré ses habitudes de vieux garçon, lui confia avec plaisir le gouvernement de sa maison, et la fit « sous-secrétaire

  1. Albert Babeau, les Anglais en France en 1802 ; — Philippe Descoux, La reine de Tadmor : lady Hester Stanhope, 1 vol., Chamuel ; — Macaulay. Essais historiques et biographiques, traduction Guillaume Guizot ; — Lord Stanhope, William Pitt et son temps, 4 vol. ; — Captain Jesse : The life of George Brummell, London, 2 vol., 1844-1846 ; — Memoirs of the lady Hester Stanhope, as related by herself in conversations with her physician, London, 3 vol., Henry Colburn ; — John Lemoinne, Études biographiques et historiques, p. 260 et s. ; — Barbey d’Aurevilly, Du Dandysme et de G. Brummell, 1 vol., Lemerre, 1887 ; Kinglake, Eothen ; relation d’un voyage en Orient ; — Prince Puckler Muskau, Mémoires et voyages, 5 vol. ; — Vicomte de Marcellus, Souvenirs de l’Orient ; — Poujoulat, Voyage en Asie Mineure ; — Lamartine, Voyage en Orient, 2 vol. ; — Vte E.-M. de Vogüé, Syrie, Palestine, Mont Athos ; — Gabriel Charmes, Voyages en Syrie ; Impressions et souvenirs, etc.