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mains coupées, devant qui rougeoient deux mares de sang, » qui sort d’un de ses poèmes, traverse son théâtre avec la figure de la Gioconda, circule à travers ses romans en pleurant ses blessures.

Et, assurément, la souffrance physique doit être doublée de douleur morale pour que la joie du destructeur soit complète : Maria Ferres sera tourmentée par l’amour que « l’enfant de volupté » qui l’a conquise, éprouve, en même temps, pour Elena Muti. Perdita, la tragédienne, deviendra presque folle devant le caprice que celui qu’elle adore ressent pour la jeune musicienne Donatella. Une terrible ivresse de cruauté réfléchie, savourée, circule d’ailleurs dans tout ce récit du Feu, où l’auteur égare Perdita dans les sentiers d’un « labyrinthe, » et la fait tourner, à la recherche de son amant, comme si, vraiment, l’antique roue des supplices, lentement, la rouait.

Nous l’avions déjà entendue, cette amante éperdue, hurler sa souffrance dans le Songe d’un crépuscule d’automne. « ... Il me semblait qu’il partageait mes veines une à une comme mes cheveux avec la caresse de ses doigts. »

Mais dans le Songe le jeune amant est absent. Enchaîné ailleurs, il ne se préoccupe pas de la souffrance qu’il cause. Dans le labyrinthe du Feu, il est là, masqué par un buisson : il voit, il épie toutes les palpitations de la douleur qu’il a infligée, et il se donne, par surcroît, la volupté, particulièrement perverse, de plaindre quelque peu sa victime.


III

C’est une aventure commune de voir la volupté se mêler de quelque façon à la mysticité. Celui qui cherche à atteindre l’infini rencontre nécessairement le divin.

Le fait est que, si nous en devons croire les indiscrétions du plus affectueux et du plus érudit des pèlerins de lettres, ce n’est pas seulement Sperelli qui a logé ses fantaisies amoureuses dans des défroques d’églises. Le comte Primoli est entré dans la villa « blanche, douce et tranquille de Francavilla a Mare » où M. d’Annunzio fait retraite. Il a trouvé l’artiste dans « un cabinet de travail spacieux dont les fenêtres, les portes, les murs, sont garnis d’épaisses tentures en damas rouge. D’un brasero monte, par bouffées, une fumée d’encens. Les paysans