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sa cassette, et qui est relatif à la révocation de l’Edit de Nantes. Non seulement le Duc de Bourgogne donne en principe sa complète approbation à cette mesure, mais, soit qu’il fût mal informé, soit qu’il ne voulût pas convenir des choses, il ne craint pas de dire « que le succès répondit à la sagesse des moyens et que tout se passa au grand contentement de Sa Majesté sans effusion de sang et sans désordre[1]. » Aussi s’élève-t-il avec vivacité contre l’idée de revenir sur cette mesure, et il énumère tous les dangers de ce retour à une politique de tolérance dont le moindre ne serait pas à ses yeux « d’imprimer à l’hérésie le sceau de la perpétuité en France. » On regrette de ne pas trouver dans ce mémoire quelque chose du sentiment qui faisait dire à Vauban : « Les rois sont bien maîtres des vies et des biens de leurs sujets, mais non de leurs opinions, parce que les sentimens intérieurs sont hors de leur puissance, et Dieu seul peut les diriger comme il lui plaît. » On y voudrait tout au moins un écho de l’indignation qui inspire à Saint-Simon cette admirable page du Parallèle des trois premiers rois Bourbons où il parle « des millions de sacrilèges au milieu desquels le Roi nageoit. » C’est là ce qu’on est en droit de regretter, car il serait sévère de lui reprocher de ne pas s’être élevé à la conception d’une politique de tolérance religieuse qui n’était, pour lors, pratiquée dans aucun pays, pas plus dans les pays protestans que dans les pays catholiques. À ce point de vue, le Duc de Bourgogne était bien de son temps, et, pour en revenir à la politique d’Henri IV ou pour devancer celle de la Déclaration des droits de l’homme, un peu méconnue aujourd’hui, il n’aurait pas fallu compter sur lui.

En revanche, le Duc de Bourgogne ne paraît pas avoir été animé vis-à-vis des Jansénistes de ces préventions passionnées qui animaient Louis XIV jusqu’à lui faire préférer, s’il faut en croire Saint-Simon, comme compagnon de son neveu, le Duc d’Orléans, un athée à un janséniste. La réputation d’austérité des Jansénistes qui concordait avec ses propres sentimens, l’avait, on peut le croire, quelque peu disposé à l’indulgence en leur faveur. L’abbé Fleury, dans le portrait qu’il trace du Duc de Bourgogne après sa mort, dit bien « qu’il avait une extrême aversion de cette secte, » mais il est obligé de convenir « qu’il était en garde contre les accusations vagues et les soupçons mal

  1. Proyart, t. II, p. 107.