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généralement admis, de l’inégalité devant l’impôt, faisait tomber le poids sur le peuple et en particulier sur les paysans. Pour porter remède à ces injustices et à ces souffrances, il se proposait d’adopter toute une série de mesures qui, assurément, n’auraient pas été sans efficacité. Aurait-il été plus loin ? Instruit par l’expérience, contraint par la nécessité, se serait-il rallié à cette idée nouvelle de l’universalité de l’impôt « perçu sur les sujets de toute condition » que déjà certains esprits hardis mettaient en avant : ainsi Michel Levassor dans ses Lettres d’un gentilhomme français sur l’établissement d’une capitation générale en France publiée, à Liège ; Bois-Guillebert dans le Détail de la France publié en 1695 ; enfin Vauban dans son fameux Projet d’une Dîme royale, qui ne fut répandu, et d’une façon un peu clandestine, qu’en 1707, mais dont le manuscrit, dès la fin de 1699, avait été communiqué à Chamillard et par celui-ci, suivant toute vraisemblance, au Roi. Assurément il serait téméraire de l’affirmer. Cependant il est à remarquer que le Duc de Bourgogne parlait avec sympathie de Vauban et ne paraît pas avoir été effrayé des hardiesses contenues dans la Dîme royale : « J’aime, disait-il, à entendre raisonner Vauban... Ses vues sur les impositions publiques me paroissent offrir un nombre d’avantages réels. » Aussi ne paraît-il pas éloigné d’adopter le principe d’un impôt unique qui aurait remplacé tous les autres, et, s’il soulève des objections dont quelques-unes sont sensées, c’est au point de vue des difficultés de la perception, mais il n’en oppose aucune au principe de l’universalité de l’impôt, et il est d’accord avec Vauban pour chercher dans cette grande réforme de l’impôt unique le moyen « d’aller droit au bien réel du peuple qu’il faut soulager efficacement quand on le peut. » Vauban devait mourir en 1707, après être tombé en disgrâce et avoir frisé la Bastille. Nul doute que, s’il eût vécu et si le Duc de Bourgogne eût régné, il eût été de ceux qui auraient été au moins consultés dès le début du règne. Quelle influence aurait-il exercée sur le Duc de Bourgogne ? Aurait-il balancé celle de Fénelon, qui, dans les Tables de Chaulnes, ne s’occupe que du mode de perception des impôts, mais n’en réforme pas l’assiette ? C’est une question qu’il est vain de poser ; la seule chose qu’on puisse dire, c’est que les vues hardies de Vauban n’auraient point trouvé chez le Duc de Bourgogne une opposition de parti pris.