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de Saint-Cyr, qui appartenaient toutes, comme on sait, à cette pauvre noblesse, elle ne se faisoit pas faute de leur répéter que la vie à laquelle elles devaient se préparer était une vie de privation. Le Duc de Bourgogne savait cela. Il savait qu’une des causes les plus fréquentes de la condition misérable où la noblesse se voyait réduite était son zèle à servir en temps de guerre. Il lui en gardait reconnaissance et la considérait comme le plus ferme soutien de l’État. Assurément il n’aurait pas pratiqué vis-à-vis d’elle ce système d’exclusion que Louis XIV avait érigé en doctrine lorsque, dans ses Instructions au Dauphin, il expliquait les motifs qui l’avaient toujours déterminé à choisir ses ministres dans un état obscur en disant : « Il falloit faire connoître au public, par le rang même où je les prenois, que mon dessein n’étoit pas de partager avec eux mon autorité. Il m’importoit qu’ils ne conçussent pas par eux-mêmes de plus hautes espérances que celles qu’il me plaisoit de leur donner, ce qui est difficile aux gens de grande naissance. » Le Duc de Bourgogne aurait certainement appelé aux affaires des gens de grande naissance, Beauvilliers, Chevreuse, Saint-Simon. Mais, quoiqu’il fît la distinction entre ce que Saint-Simon appelle les grands seigneurs, les nobles et les simples gentilshommes, ce que lui-même appelait la haute et la commune noblesse, cependant il ne bornait pas sa sollicitude à la haute noblesse, et il l’étendait à la commune, qu’il voulait tirer de sa situation inférieure. Pour la relever, il lui donnait, dit Proyart, « une sorte de droit naturel aux distinctions honorables et aux emplois avantageux[1]. » Partant de l’idée que « l’origine de la noblesse est le mérite guerrier et qu’il est naturel de penser que les enfans des héros seront plus braves que les autres, » il voulait que, dans l’armée, la plupart des grades leur fussent réservés, mais à ceux-là seulement qui avaient servi à l’armée, non point à ceux qui n’avaient servi qu’à la Cour, et il s’indignait que « les courtisans toujours empressés de demander, et à toute heure à portée de le faire, n’eussent pas honte de solliciter pour un homme qui n’avoit jamais été à la guerre un poste vacant par la mort d’un officier qui avoit été tué sur la brèche. »

De même il croyait bon que les principaux sièges de l’épiscopat fussent réservés à la noblesse. Sans doute « la sainteté de

  1. Proyart, t. 1, p. 375 et passim.