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compétens, quelle qu’elle soit, sera bien accueillie de moi. Autre raison, je commence le dernier volume de la Révolution ; voici quinze jours que j’en combine le plan et que je dégage l’idée dominante. Ainsi la critique du volume qui vient de paraître me serait utile en ce moment.

J’appelle votre attention sur trois points :

1o Est-ce assez neuf ?

2o Est-ce assez prouvé ?

3o Est-ce assez littéraire ?

Pour vous montrer combien ma question est sincère, je vais vous dire ma propre impression.

À la deuxième question je réponds oui ; c’est à cela que je me suis surtout appliqué.

Sur la première, je suis tout à fait dans le doute, ayant passé trop de temps avec les personnages et les événemens, étant trop familiarisé avec eux, ayant trop perdu de vue la légende acceptée et l’opinion régnante.

Pour la troisième, je réponds non ; je l’ai trop subordonnée à la deuxième, je me suis tenu trop près des textes, je n’ai pas osé donner le coup de pouce nécessaire ; peut-être n’aurais-je pas eu le talent de le donner ; mais j’ai pu vérifier, pièces en main, que plusieurs des plus beaux morceaux de Michelet (par exemple, Marat rapporté en triomphe à la Convention après son acquittement, avril 1793) sont des œuvres d’imagination, des broderies admirables tissées sur un canevas historique maigre et sec. Le grand malheur de l’homme qui ne veut pas dépasser les textes, c’est l’obligation de n’être pas littéraire ; il ne peint pas ; sauf lorsqu’il rencontre un témoin de talent ou un enregistreur minutieux, il n’a pas des détails appropriés et suffisans, il ne peut pas faire vivant, il est réduit comme je l’ai été à la déduction, à l’exposition, aux procédés classiques ordinaires.

Sur ces points-là et sur tous les autres, tout ce que vous me direz sera bienvenu.

Nous avons ici un ciel admirable et la plus belle verdure du monde. Je flâne un peu ; notre solitude est complète, et nos santés sont bonnes. Tâchez de venir nous voir, si vous n’êtes pas trop pris par votre famille ; vous savez que vous êtes de la maison.

Amitiés de tous et tout à vous.