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vous m’aimez toujours, et même j’en suis sûr. D’ailleurs, sur cette question spéciale, nous sommes moins éloignés que nous n’en avons l’air.

Je n’ai pas d’opinion arrêtée sur le présent ; je cherche à m’en faire une ; mais probablement je n’en aurai jamais, parce que les documens, l’éducation, la préparation me manquent. J’entends une opinion scientifique ; pour ce qui est de mes impressions, j’en fais bon marché ; elles sont sans valeur comme celles de tout particulier et de tout public. Mon but est d’être collaborateur dans un système de recherches qui, dans un demi-siècle, permettra aux hommes de bonne volonté autre chose que des impressions sentimentales ou égoïstes sur les affaires publiques de leur temps. C’est dans ce but que nous avons fondé l’École des Sciences politiques. Visiblement une pareille méthode, qui est une sorte d’anatomie sociale, choquera dans ses premières comme dans ses dernières conclusions beaucoup de sentimens généreux et respectables. Mais les partisans de l’expérience sont trop libres d’esprit pour ne pas accorder à l’outil précieux dont ils connaissent les services la permission de travailler partout, même au plus vif dans leurs plus chères convictions.

Croyez-moi, cher maître, votre tout dévoué et affectueux serviteur et ami.


Au comte de Martel[1].


Menthon-Saint-Bernard, 6 août 1879.
Monsieur,

J’ai reçu presque en même temps que votre lettre le volume[2] que vous avez bien voulu m’envoyer et je vous remercie de l’honneur que vous me faites. J’ai depuis trois ans dans ma bibliothèque cette Étude sur Fouché[3] et le communisme en 1793, et l’un de mes plus vifs et de mes plus rares plaisirs est de lire les livres de première main. Les vôtres sortent directement des sources ; j’ai feuilleté aux Archives dans les missions révolutionnaires les cartons qui concernent le proconsulat de

  1. Le comte A. de Martel, ancien préfet, auteur de divers ouvrages sur l’histoire de la Révolution.
  2. Types révolutionnaires, 2e partie, Le 9 Thermidor. Paris, 1879,
  3. Paris, 1873.