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Ici, la folie est sèche, abstraite, scolastique ; on dirait de purs pédans infatués de théologie verbale. Les bêtes de proie qui se servent de ce jargon se comprennent sans difficulté, mais les Soubrany, les Romme, les Goujon, même les Lebas et les Grégoire sont les plus étonnans spécimens de délire lucide et de manie raisonnante. Je suis encore loin d’y voir clair.

En revanche, mon lac est bleu comme une pervenche ; les herbes des prairies sont hautes de deux pieds et les oiseaux chantent à plein gosier tout autour de moi. Vous êtes Parisien, je crois ; moi, je suis campagnard de cœur ; après un mois de séjour à Paris, je trouve qu’il y a trop de monde dans les rues et que les bâtisses font des horizons trop rectilignes.

À vous bien cordialement. Boissier m’écrit que Wallon lui a fait sa visite et se présente contre Renan au deuxième fauteuil.


À Monsieur Alexandre Dumas.


Menthon-Saint-Bernard, 23 mai 1878.
Mon cher ami,

… Je suis très content que vous lisiez mes deux derniers volumes, et je compte en causer avec vous. D’après ce que je sais et vois de vous, je me figure que vous êtes une des trois ou quatre personnes qui, même à un auteur, disent la vérité sans phrases.

Nous essayons en ce moment de faire en histoire quelque chose de semblable à ce que vous faites au théâtre, je veux dire de la psychologie appliquée. Cela est bien plus difficile que l’ancienne histoire, bien plus difficile à faire pour l’auteur et bien plus difficile à comprendre pour le public. Mais en somme, les mécanismes d’idées et de sentimens sont la vraie cause des actions humaines, les parades politiques sont tout à fait secondaires. Par exemple, en ce moment, si je puis construire, à ma satisfaction, l’état mental d’un Jacobin, tout mon volume est fait : mais c’est un travail diabolique.

Je vous serre la main et vous remercie encore.


À Monsieur Ernest Havet.


Menthon-Saint-Bernard, 18 novembre 1878.

Cher maître, je vous remercie de ce témoignage de sympathie[1] ; malgré nos dissentimens sur ce point, j’ose dire que

  1. Félicitations à propos de l’élection académique.