Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vertu des subtilités de M. le ministre des Affaires étrangères, opérerait une descente dans l’ancienne nonciature et mettrait la main sur une partie des papiers qui s’y trouvaient ? Quel que fût le caractère indéterminé de Mgr Montagnini, l’immeuble même qu’il habitait aurait dû être pour lui une sauvegarde. Il restait protégé par une fiction diplomatique digne de ménagement, et il a fallu l’insolence brutale de notre gouvernement actuel envers les faibles pour que le seuil de sa demeure ne fût pas respecté.

Nous croyons sans peine M. le ministre des Affaires étrangères, lorsqu’il dit que si le nonce, en partant, avait laissé la garde de ses archives à un de ses collègues étrangers, les choses se seraient passées autrement. Le gouvernement français se serait arrêté devant le représentant d’un État quelconque, même du moindre de tous. Mais avec le Pape, on n’a pas besoin de se gêner. La discussion de l’interpellation de M. Jaurès a amené à la tribune des orateurs qui, comme M. de Castelnau, M. Denys Cochin, M. Ribot, ont démontré avec la plus parfaite clarté que le droit commun avait été violé par l’enlèvement de papiers que l’instruction n’a pas retenus comme appartenant au procès, mais qui, néanmoins, n’ont pas été rendus à leur propriétaire, — et que le droit des gens avait été violé encore plus outrageusement par l’invasion de l’ancienne nonciature et par les fouilles qui y ont été opérées. Rien n’y a fait. M. Clemenceau, à bout d’argumens, a fini par déclarer tout net qu’il s’agissait là d’une affaire politique. — Alors, a répliqué M. Ribot, la cause est entendue. — Il est convenu que le « fait du prince » provient d’un droit devant lequel tous les autres disparaissent. Quant aux argumens de M. Clemenceau, nous n’en citerons qu’un : il permettra de juger de la valeur de la plupart des autres. « On m’écrit de Rome, a-t-il dit, que les papiers sont entre les mains du Saint-Père. Comment ! Voilà des documens qui seront connus de la Cour de Rome, du Vatican, et les députés français, le parlement français ne pourraient pas les connaître ! » L’Officiel constate que ces paroles ont été accueillies par de vifs applaudissemens à l’extrême gauche et à gauche. Quelques voix à droite ont pourtant fait remarquer que les papiers dont il s’agissait appartenaient au Vatican. C’est à lui qu’on les a pris. Ce sont les siens. N’est-il pas naturel qu’il les connaisse, et cela suffit-il pour qu’on ait le droit de les livrer en pâture à la curiosité publique ? Évidemment on n’a fait un procès à M. l’abbé Jouin, accusé d’avoir provoqué à la violation des lois, que pour faire une perquisition à la nonciature. Maintenant que la perquisition est faite, le procès n’a pas plus d’intérêt que le