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libre penseur : beaucoup de ceux qui l’ont accompagné jusqu’à sa dernière demeure ne l’étaient pas. Mais, ici encore, ils se sont associés à la douleur de sa famille et de ses amis dans la forme qu’il lui avaient donnée, sans se demander si cette manifestation, de la part de quelques-uns d’entre eux, n’avait pas un autre caractère que celui d’un simple deuil. N’est-ce pas ainsi qu’il convient de faire ? Il semble qu’il ne puisse y avoir qu’une réponse : le gouvernement en fait deux, et elles sont différentes. C’est selon l’importance de la commune, semble-t-il dire. A la campagne il est permis d’aller à la messe ; il faut s’en abstenir à la ville. On ne peut guère appeler cela une règle : c’est pourtant la sienne. La manière dont il vient de l’appliquer a profondément révolté tous ceux qui ont le sens des convenances et le respect vrai des consciences. Il aurait été facile d’unir tous les cœurs autour des cercueils de Toulon ; le gouvernement a préféré se rappeler nos divisions, et les pires de toutes ; il a fait ce qui dépendait de lui pour les accentuer.


Au reste, il parait se proposer de moins en moins l’apaisement. La politique personnelle, agressive et blessante, de M. Clemenceau l’emporte, et nous dirions aussi que celle de M. Jaurès triomphe, si M. Jaurès avait une politique logique et coordonnée en matière religieuse. M. Briand en a une qu’il suit le mieux qu’il peut, et même assez bien lorsque M. Clemenceau ne vient pas se jeter au travers en gambadant. M. Clemenceau en a une aussi qui consiste à contrarier celle de M. Briand et à y mettre de l’imprévu, tantôt par des facéties auxquelles il se livre, tantôt par des complots qu’il découvre, tantôt par des procès qu’il entame. Quant à M. Jaurès, il est un jour pour la paix et le lendemain pour la guerre, passant de la méthode de M. Briand à la manière de M. Clemenceau, comme s’il ne comprenait très bien ni l’une ni l’autre : c’est sans doute ce qui rend si difficile de comprendre la sienne propre.

M. Jaurès a interpellé le gouvernement : il lui a enjoint de communiquer à une commission parlementaire les papiers de Mgr Montagnini, et le gouvernement s’est empressé d’y acquiescer par la bouche de M. Clemenceau. M. Briand n’a rien dit, et M. Pichon, ministre des Affaires étrangères, s’est contenté de donner des explications sur la manière dont les choses se sont passées à l’ancienne nonciature. La Chambre a suivi M. Jaurès et M. Clemenceau dans la voie où ils s’engageaient et où ils la poussaient : elle a décidé qu’elle nommerait, sans plus tarder, une commission à laquelle on