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sur l’Iéna et que professaient leurs familles. Seuls, les membres du gouvernement sont allés pendant ce temps-là remplir on ne sait quelle partie obscure de leurs fonctions. Puisqu’il devait en être ainsi, ils auraient mieux fait de rester à Paris. En pareille circonstance, le gouvernement, tout comme les particuliers, s’honore en s’inclinant devant toutes les croyances, et... fait le contraire lorsqu’il paraît vouloir témoigner du dédain, ou même du mépris pour certaines d’entre elles. Au moins faudrait-il choisir entre les deux manières, et, le choix une fois fait, y conformer toute sa conduite. La logique le voudrait. Mais le gouvernement actuel va à la messe ou n’y va pas suivant les jours : singulier exemple de cette « incohérence » dont M. Clemenceau a parlé une fois à la tribune, et dont il a fait avec tant de justesse le signe caractéristique de son gouvernement.

En veut-on la preuve ? La veille même de la cérémonie de Toulon, M. le président du Conseil assistait avec plusieurs ministres, à Pont-sur-Seine, aux obsèques de M. Casimir-Perier. Mort encore jeune, emporté par une courte maladie, M. Casimir-Perier a laissé le souvenir de grands services rendus à la France et à la République avec le désintéressement le plus parfait, et à ses amis celui d’un homme bon, modeste, cordial, qu’il était impossible de connaître sans l’aimer. Il avait du caractère, chose rare. Un sentiment mélancolique s’attache à sa vie incomplète et brisée avant l’heure. Était-ce à l’homme privé, ou à l’homme public que les membres du gouvernement entendaient rendre hommage ? Au second, assurément : ils étaient autour du cercueil de l’ancien Président de la République à titre officiel. La cérémonie de Pont-sur-Seine a été aussi simple que celle de Toulon a été imposante : elle a tenu tout entière dans une messe de village. M. Clemenceau et ses collègues y ont assisté très correctement. Ils se sont associés à la douleur de la famille, des amis, de la population de Pont-sur-Seine dans la forme qu’il leur avait plu de lui donner. On ne peut que les en louer. Mais alors pourquoi n’ont-ils pas fait de même à Toulon ?

Quelques jours plus tard mourait le plus illustre de nos savans, M, Marcelin Berthelot, dont nous avons publié ici même, il y a six semaines, le dernier travail. Sa mort, qui a été rendue très touchante par les circonstances où elle s’est produite, a ému la France, et ce n’est même pas assez dire, car si le savant a une patrie, — et M. Berthelot était ardent patriote, — la science n’en a pas. On lui a fait des funérailles nationales. On a porté ses restes au Panthéon avec ceux de sa femme dont il ne s’était séparé, ni dans la vie, ni dans la mort. Il était