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impression, et nous espérons bien qu’il en sera ainsi. Le gouvernement de la République a pris une résolution immédiate : il a donné au général Lyautey l’ordi-e d’occuper Oudjda, au nord-ouest de notre frontière. Il ne s’agit pas là d’une occupation définitive. C’est un gage que nous voulons avoir entre les mains afin d’exercer une pression sur le Maghzen : nous évacuerons Oudjda quand nous aurons obtenu pleine satisfaction. M. Ribot l’a affirmé devant la Chambre qui l’a applaudi tout entière. Elle a donné, avec la même unanimité, sa confiance au gouvernement, dont le langage n’avait été ni moins mesuré, ni moins ferme. L’occupation d’Oudjda est une nécessité pour nous. Nous n’avons pas l’intention de faire plus ; nous ne pouvions pas faire moins.

Une démonstration navale aurait été sans efficacité, Marakech étant située à l’intérieur des terres. Au surplus, il paraît évident aujourd’hui que la démonstration navale franco-espagnole devant Tanger n’a pas produit sur les esprits marocains tout l’effet qu’on avait escompté. Elle a eu pourtant un résultat très appréciable puisque Raissouli a été mis à la raison ; mais, outre que le pirate n’a pas été pris et qu’il pourrait bien reparaître un jour ou l’autre, l’opération, aux yeux des Marocains, a été faite par les troupes du Maghzen seules. La conséquence a peut-être été favorable au prestige de ce dernier, mais non pas à celui des puissances qui ont enfermé leur intervention dans d’aussi étroites limites que les parois de leurs vaisseaux. L’Europe a fort bien compris que, si le Maghzen agissait, c’est parce que la France et l’Espagne l’y avaient obligé. Les Marocains se sont arrêtés à l’apparence des choses : n’ayant pas vu l’Europe en action, ils se sont crus en droit de la dédaigner.

La différence est d’ailleurs sensible entre les faits qui ont provoqué l’intervention franco-espagnole contre Raissouli, et l’attentat dont nous devons aujourd’hui exiger et obtenir réparation. Les brigandages de Raissouli étaient un danger général : on ne peut pas dire qu’une puissance était plus intéressée que les autres à leur répression. Aussi la France et l’Espagne agissaient-elles au nom de toutes, en vertu des fonctions spéciales que la conférence d’Algésiras leur avait attribuées dans les ports de mer, et notamment à Tanger. Ni l’une ni l’autre n’avaient un grief particulier à venger. Il en est autrement cette fois. Le docteur Mauchamp était Français : c’est donc la France qui est en cause. Nous n’avons à combiner notre action avec personne : nous devons seulement, et nous l’avons fait, remplir un devoir de convenance envers les puissances qui étaient représentées à Algésiras,