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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 mars.


L’assassinat du docteur Mauchamp à Marakech a appelé de nouveau l’attention sur la question du Maroc. Ceux qui croient qu’elle a été définitivement réglée par la conférence d’Algésiras se trompent beaucoup. Depuis que la conférence s’est dispersée, les événemens ont repris et continué leur cours comme si de rien n’était, et on a pu s’apercevoir une fois de plus que les protocoles, même les plus authentiquement paraphés, n’ont dans le développement des choses humaines que le poids léger du papier, s’il n’y a pas derrière eux une politique active, vigilante, énergique, propre enfin à leur donner de la substance et à leur communiquer de la vie. Nous ne rechercherons pas aujourd’hui si telle a été la politique du gouvernement de la République : il serait, en tout cas, très injuste de ne pas lui tenir compte des difficultés avec lesquelles il s’est trouvé aux prises. Mais il faut bien voir les choses comme elles sont. Notre situation ne s’est pas améliorée au Maroc : la sécurité y est fort amoindrie, au moins pour les Français, et il s’en faut de peu qu’elle n’existe plus. L’assassinat du docteur Mauchamp a rendu le fait manifeste. Le bruit en a retenti comme un coup de tocsin qui a été entendu partout.

Le docteur Mauchamp était un homme jeune, intelligent, dévoué, qui avait rêvé de remplir au Maroc une œuvre d’humanité, et par là d’y faire aimer son pays. Mais il avait compté sans le fanatisme musulman qui fermente toujours dans les cœurs marocains et qui, après y avoir couvé plus ou moins longtemps, finit par y éclater en explosions soudaines, violentes, meurtrières. M. Mauchamp n’avait fait que du bien aux habitans de Marakech : cela n’a pas empêché qu’un matin, la foule a enveloppé sa maison en poussant des cris de mort. L’infortuné