Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 38.djvu/711

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Comme d’anciens amis sa voix les encourage
Et demande un suprême effort à leur vertu.
La nuit gagne. Un troupeau rentre du pâturage.
Le murmure agreste s’est tu.

Un rayon frôle encor la chevelure rousse
Des ormes abritant quelques vagues logis.
De temps en temps un souffle aigre et qui se courrouce
En berce les sommets rougis.

Avant que l’ait atteint le flot crépusculaire,
Le vieillard veut finir un sillon commencé,
Et le champ d’où toujours il tira son salaire
Sera ce soir ensemencé.

Soudain, se détachant sur la pâleur des nues
Et fouettant l’air glacé des sereines hauteurs,
Passe, emporté vers des chimères inconnues,
Un long vol d’oiseaux migrateurs.

Les houles de l’espace et les remous de l’ombre
Accumulent en vain leurs obstacles mouvans ;
Ils franchissent des ciels où le rêve humain sombre,
Vainqueurs des brumes et des vents.

Ils traversent l’éther, dont ils fendent les ondes,
Sans escales, hâtifs, tels des oiseaux proscrits,
Et de la colonie aux ailes vagabondes
Tombent des clameurs et des cris.

Fins pilotes des mers sans rive et sans limite,
Ils plongent dans l’azur tant de fois exploré ;
Mais nul ne sait le but, fascinant comme un mythe,
Du pèlerinage ignoré.

Nul ne sait quel délice amer, quel doux martyre,
Quelle illusion tendre ou quel secret espoir,
Ainsi qu’un vaste aimant, vers le soleil attire
Ces nageurs de l’océan noir.