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Ils y forment l’agreste et simple draperie
Qui tapisse la grange ou revêt la maison,
Et c’est ainsi que meurt l’adorable saison
Où vibrent les clartés d’une grâce attendrie.

C’est ainsi que s’en va le mois tiède et divin
Où les logis brodés d’arabesques rustiques
Evoquent la douceur des travaux domestiques,
Le mois des fruits pourprés et du lumineux vin.

Poète, que jamais n’ont tenté les révoltes,
Tel, pour charmer nos yeux noblement asservis,
Décore la demeure ancestrale où tu vis
Des fiers espoirs qu’aux champs du songe tu récoltes.

Pare ainsi le foyer rayonnant des aïeux,
La maison par ta gloire et ton labeur ornée.
Pour que, de rêve en rêve et d’année en année,
Ton destin s’y déroule en jours harmonieux.

POUR LA VIEILLE FILEUSE


Comme on emplit, le soir, la lampe tutélaire
D’huile onctueuse, emplis ton cœur d’humilité,
Pour que le moindre effort te soit facilité
Et pour que la vertu la plus tendre t’éclaire.

Le rouet primitif que dirige ta main.
Epuisant le trésor doré des blondes laines
Mieux que les fuseaux vifs sous les quenouilles pleines.
Est doublement utile et doublement humain.

Car, si dans la tiédeur des étoffes tissées
Il promet d’adoucir le sort de l’indigent.
Par le bruit régulier d’un labeur diligent
Avec grâce il mesure et scande mes pensées.

Car, à cet instant même où tes agiles doigts
Du rouet monotone émiettent la cadence,
Le léger groupe en moi des strophes vibre et danse,
Et plus que l’indigent, fileuse, je te dois.