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se dressent comme des reposoirs sous le ciel. Jamais ils n’accusent cette analogie autant que lorsque, se massant au milieu de vastes champs de bosaka qu’on a incendiés, ils ont été noircis par la flamme comme des autels après un holocauste. C’était à l’endroit où celui qui descend vers le Sud voit, en se retournant, pour la dernière fois, le lac Itasy avec ses montagnes allongées en mufles sur son eau pâle, et où celui qui monte au Nord le découvre pour la première fois : il y avait à cette symbolique position limitrophe un tombeau merina. Comme les indigènes avaient brûlé les collines tout autour pour récolter les sauterelles grillées, ses pierres, sa terre, ses herbes, ses arbustes avaient été carbonisés et comme huilés d’une suie sacrée : le monument de la vie humaine, sous un ciel inépuisablement bleu, devant un paysage roux et opalin, était noir comme un four à charbons et imposait l’image synthétisée de la vie malgache, vie boucanée de fumée dans le moulai des cases, au milieu des étendues de fataques embrasées ou dans les fumées des forêts indépendantes.

Par les champs de l’Emyrne combien on en rencontre, de ces tombeaux dont de grandes graminées fauves et fines escaladent les escaliers de pierre, adoucissant de leur frémissement sous la brise les contours cubiques des terrasses, jardins-suspendus abandonnés ! Tel, le tombeau merina atteint à une beauté peut-être encore plus dramatique avec ses triples soubassemens qui, dénudés de maison, dégagent une forte impression de ruine que précise d’une façon lyrique l’écroulement des schistes autour de la porte funéraire. Une dalle érigée plus haute que les autres et hérissée comme une défense de roche, une stèle travaillée qui s’ouvre en pétales, un hermès fruste consacrent la place où repose la tête de l’ancêtre, « du maître du tombeau. » Pour suppléer peut-être aux enveloppemens d’arbres qui ajoutent au mystère de la tombe chez les peuplades du littoral, ou pour figurer la force flexueuse et prolifique de la vie, l’art hova fait courir des sculptures de lianes généalogiques, de fleurs épanouies, de. fruits ouverts, sur les parois de ces palais de pierre. Ce sont les temples de ce peuple qui n’a pas de Dieu et adore la Vie en honorant la Mort.

Les Betsileos semblent, eux, ne point élever de case destinée à abriter leurs disparus : leur sol ne porte de tombeaux que des poteaux sculptés qui présentent au ciel comme une offrande une petite plate-forme chargée de cornes de bœufs. Mais si l’on examine