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à produire par l’ornementation géométrique le génie patient et doucement observateur du Betsileo, c’est par l’ornementation végétale que le génie hova, onduleux, fervent de la vie prolifique, nous le donne. La race hova à laquelle on ne pouvait accorder jusqu’ici que des qualités de finesse assez indienne dans l’art, — parce qu’on consultait seulement la technique des lambas nuancés par les femmes, — manifeste, dans la conception originale d’un art décoratif qui s’inspire des végétaux, une faculté de voir grand, prolongé, monumental, qui atteint tout son développement dans les belles proportions architecturales de ses tombeaux.

C’est directement à la nature que les Malgaches empruntent leurs couleurs, si bien qu’ils n’ont souvent, pour les désigner, que des noms d’objets. Ainsi ne disent-ils pas : brun pâle, mais : couleur de sauterelle morte ; brun foncé, mais : couleur de fourmi ; bleu pâle, mais : couleur de brouillard. Les peuplades de la côte tirent des arbres les liqueurs rouges, vertes, jaunes, violettes dont elles teignent les fibres de rafia pour varier la trame des rabanes au ton de paille. Voisines de la forêt où la sève tropicale pigmente puissamment le bois, embrase les corolles, peint vivement les fruits, elles chérissent les éclats intenses dont elles atténuent toutefois la force en les juxtaposant par longues bandes parallèles, — violet, bleu ou grenat bordé de noir, rouge accolé au vert, — obtenant ainsi sur les rabanes versicolores des harmonies aussi joyeuses et jolies que celles des cannes à sucre rayées. Dans le centre au contraire, sur les hauts plateaux où la terre aride et nue étend sa pourpre sombre presque rouilleuse, le Betsileo montre de la prédilection pour les tons unis du lamba couleur de natte roux. Fermé dans son enceinte de montagnes de pierre translucides au soleil, tel l’Ankaratre, dominant des plaines aux lignes douces où les affaiblissemens et les renforcemens de la lumière, estompée puis découverte pas les nuages, multiplient des teintes fuyantes et délicates sur la terre sensible, le Mérina éprouve, plus que l’amour des couleurs, le goût des nuances. Comme l’analyse une curieuse poésie, il se sent attiré par toutes les colorations, mais ne sait à laquelle donner sa préférence et ne veut en choisir aucune ; alors il les aime toutes, mêlées, fondues, ainsi aux couleurs préférant les nuances qui sont comme leur suave fusion voluptueuse :